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La Généalogie au service de la Connaissance de la vie des Beaucerons au 18eme siecle:par André PICHOT

Auteur : Poulot  Créé le : 17/05/2013 14:16
Modifié le : 28/05/2017 20:31
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  La Généalogie au service de la connaissance de la vie des Beaucerons avant la Révolution 

 

Par André PICHOT

 

Avertissement:André PICHOT, ingénieur agronome beauceron, a été le tout premier conférencier des « Jeudis de l'Histoire » organisées par l'association « Racines du Pays Loire-Beauce ». Le texte ci-dessous reprend l'intégralité de cette conférence.

Cependant, tout en s'intéressant à la généalogie André PICHOT a contribué à améliorer les techniques culturales utilisées en Beauce. On lui doit entre autre la création d'une variété de blé : Le Fidel en 1978

 

 

Sommaire :

Quelques éléments de généalogie,

les noms et les prénoms avant la révolution,

les registres paroissiaux avant 1792 : les baptêmes, les mariages, les décès,

les métiers de cette époque,

les maîtres-chirurgiens,

les notaires, les marchands,

les déplacements de population,

les notes diverses qu'on appellerait aujourd'hui : notes de conjoncture

 

 

Lire un arbre généalogique est devenu une passion pour beaucoup d’entre nous.

Cela peut se traduire par ce qu’on appelle « un camembert » ou on retrouve sur des cercles concentriques, le nom des ancêtres classés par générations successives. Ça peut, aussi, prendre la forme d’un arbre avec ses branches.

Mais sur ce genre de représentations, il est difficile d’indiquer tous les renseignements souhaitables. C’est pourquoi de nombreux généalogistes préfèrent établir, tout simplement, une liste avec système de numération dit Sosa-Stradonitz, du nom de ses inventeurs, ou chacun de vos ancêtres porte un numéro. Si vous prenez le numéro 1, votre père aura le numéro 2, votre mère le numéro 3, votre grand-père paternel le numéro 4 et votre grand-mère paternelle le numéro 5 etc… Les hommes ont donc un numéro pair, les femmes un numéro impair. Par exemple, supposons que votre ancêtre, qui s’appelle, disons, MARTIN Jean porte le numéro 400 ; il est le fils MARTIN Pierre, qui a le numéro 800 et de DUVAL Marie qui a le numéro 801. Dans cette liste on peut indiquer les dates et lieu de naissance, de mariage, de décès de chacun ainsi que son métier, leur domicile et éventuellement, le remariage.

Pour 9 générations avant nous, vous avez ainsi, au total 1023 ancêtres répertoriés (à supposer que vous les ayez tous trouvés) et en allant au-delà des 9 générations 10-11-12 et plus, vous pouvez peut-être, en trouver le double. (Mais pour ça, il faut travailler beaucoup).

Mais de plus en plus, cette généalogie est considérée comme le point de départ d’une véritable histoire de famille. On cherche à rassembler sur le maximum d’ancêtres, ainsi numérotés et faciles à repérer, toutes sortes d’informations.

Comme, généralement, on ne possède pas beaucoup d’archives personnelles, on est amené à consulter des documents qui ont été conservés par les mairies, les archives départementales, les notaires et autres organismes.

Depuis quelques années, les sociétés ou cercles généalogiques, qui sont en place dans tous les départements, facilitent beaucoup les recherches, notamment en établissant des récapitulations (ou tables) par paroisse de naissances, mariages, et décès. Tables alphabétiques et informatisées, à partir des relevés réalisés par des lecteurs bénévoles de ces associations, et à partir des actes originaux.

Ayant travaillé depuis 20 ans, d’une part à ma généalogie personnelle et d’autre part surtout, ayant lu et mis en fiches, l’ensemble des actes de mariages de plus de quarante paroisses de Beauce jusqu’en 1800-1810, soit plus de 20 000 mariages en tout, pour le compte de la société généalogique d’Eure et Loir, j’ai tiré un certain nombre d’enseignements, à travers tous ces actes (et généralement les actes de baptêmes et d’inhumations), sur la vie des Beaucerons depuis Henri IV, jusqu’à Napoléon soit 200 ans et je vais me limiter à cette période dans cette causerie – donc de 1600 à 1810 – et dans la campagne Beauceronne.

Quand on se plonge pour la première fois, dans la lecture des actes vieux de 200, 300, 400 ans ont est souvent paniqué par la difficulté de lecture. Cette difficulté ne résulte pas spécialement de ce qu’on appelle couramment le « vieux français » : le langage des actes, même s’il comporte quelques expressions particulières, est, pourtant, facilement compréhensible.

Le problème est surtout lié à l’écriture, surtout celle des noms de famille. Ceux-ci peuvent couramment être écrits de façon différente dans le même acte ou dans des actes rédigés par le même curé. La signature quand elle existe, ne correspond, d’ailleurs pas forcément à l’orthographe trouvée dans le texte. Par exemple : Barré ou Ferron avec un ou deux R, Doucet avec C ou deux SS, Pescheteau ou Pesteau, Juchet ou Huchet, Glin ou Gelin et même Pot Vert pour Pauvert etc…

Il y a mieux : quelques fois, le nom de famille de la femme est mis au féminin.

Le curé écrit ce qu’il entend dans le langage courant. Par exemple : la fille de Jean Moreau, c’est Morelle, la fille de Louis Breteau est Jeanne Bretelle – Celle de Denis Sautereau c’est la Sauterelle.

Et même la fille de Jean Leroy, ça peut être Jeanne La Reine, et la fille de Pierre Leloup ça peut être Marie Lalouve.

Cette manie de mettre au féminin les patronymes des femmes n’est, cependant, pas très courante mail il faut savoir qu’elle existe, dans certaines paroisses.

En ce qui concerne les prénoms, on arrive, en général, à les lire facilement, ou à les deviner, même, si leur orthographe est aussi, parfois fantaisiste. On a, d’ailleurs pris l’habitude de les noter avec l’orthographe actuelle.

 Vers 1600-1650, le prénom unique était pratiquement la règle. Plus tard vers 1700-1750, on trouve souvent 2 ou 3 prénoms.

Certains prénoms très fréquents ont survécu : C’est le cas de Jean, Jacques, Pierre, Denis, Louis, André, Noël, Simon, Charles, Michel, Etienne, Marin, Martin etc… pour les garçons.

De même pour les filles : Marie, Anne, Louise, Jeanne, Perrine, Noëlle, Denise, Marguerite, Catherine, Martine, Madeleine.

Par contre, certains prénoms localement nombreux à l’époque ont disparu : Leger, Euverte, Pantaléon, Cloud, Loup, Orien, Gourgon et Vrain dans le sud de la Beauce, et Radegonde, Legère, Jacquette, Sainte, Bonne-Léonarde etc…, pour les filles.

Dans les quelques années qui ont suivi la révolution, surtout en l’an 2, quelques prénoms qu’on peut dire « révolutionnaires » ont fait leur apparition mais à vrai dire rarement dans les villages beaucerons, sauf exception, par exemple, à Dangeau ou dans le courant de l’An II, les actes de naissances attribuent aux filles des noms de fleurs ou de plantes comme : Giroflée, Aubépine, Immortelle, Angélique, Fleur d’épines, Républicaine, Pulmonaire etc…

Aux garçons on donne des prénoms plus glorieux comme : La Vertue, Mercure, Franklin, Fromental, l’Egalité etc…

On a même vu à Beauvilliers, un garçon, mal à l’aise sans doute avec son nom de famille, demander qu’on l’appelle Pierre La République au lieu de Pierre Leroy.

C’est l’époque où tout ce qui rappelle la Royauté, la Noblesse ou la religion doit être balayé.

On demande à certains villages de changer de nom :

Fresnay le Comte devient Fresnay les cailloux

Fresnay l’Evêque devient Fresnay le sec

St Leger des Aubées devient la Montagne des Aubées

Bazoches en Dunois devient Bazoches le Plaisant.

Mais au bout de quelques années, on reviendra à la case de départ. Les villages reprendront leur nom ancien (sauf exception).

Le calendrier républicain sera abandonné en l’an 14, et les saints fourniront, encore, la plupart des prénoms.

Heureusement des nombreuses réformes ont été maintenues, ne serait-ce que le système métrique et les unités de mesure qui en dérivent.

Jusqu’en 1792, ce sont les curés qui établissaient les actes d’état civil, à l’occasion des cérémonies de baptêmes, de mariages et de sépultures. Un beau jour de novembre ou de décembre 1792, dans toutes les communes, pour se conformer à la loi du 20 septembre 1792, les maires et officiers publics, récemment élus, se rendirent dans les presbytères et saisirent les registres qu’ils emmenèrent à la Maison commune et les clôturèrent. Désormais, ce sont les élus communaux : officiers publics greffiers ou maires qui auront la responsabilité d’établir les actes de naissances, de mariages et de décès. Ça ne se passe pas toujours très bien car on a du mal à trouver un secrétaire capable d’écrire correctement et les actes sont souvent un peu confus, d’autant plus qu’on demande de faire mention, dans les actes, de renseignements sui n’y figuraient pas auparavant comme la date de naissance, des mariés dans les mariages, leur lieu de naissance, l’âge des quatre témoins imposés etc…

Petit à petit les actes finissent par se normaliser.

Dans les villages, ce sont souvent les instituteurs qui sont secrétaires.

Mais intéressons nous plutôt aux registres paroissiaux antérieurs à 1792.

Les baptêmes suivent de près les naissances (1 ou 2 jours). Quand le curé est malade ou absent, c’est le curé du village voisin qui vient le suppléer, à moins qu’on emmène le nouveau-né dans la paroisse d’à côté.

Dans les actes de baptêmes étaient notés, bien sûr, les parents, mais, ce qui paraissait aussi important, c’est la désignation du parrain et de la marraine qui donnaient le prénom à l’enfant, en concertation sans doute avec les parents.

Très souvent, le premier garçon du couple recevait le même prénom que celui de son père, et la première fille celui de sa mère. C’est ainsi que j’ai, dans ma propre généalogie, cinq garçons aînés, de père en fils, qui portent le même prénom : Antoine – c’est Antoine Germond, fils d’Antoine Germond, petit-fils et arrière petit fils d’Antoine Germond.

Une autre particularité qui nous surprend aussi, c’est que les parents donnent fréquemment à un nouveau-né le même prénom qu’un de ses frères ou sœurs décédés auparavant, comme si on voulait remplacer un être chéri ! Mais ce qui est, encore plus curieux, c’est qu’il n’est pas rare que deux frères vivants (plus rarement deux sœurs) portent le même prénom, ce qui complique, évidemment, la tâche des généalogistes, même si les curés indiquent souvent dans les actes, s’il s’agit du jeune ou de l’aîné.

A noter que de nombreux enfants mouraient à la naissance ou en bas âge, en particulier la plupart des jumeaux trop fragiles et aussi beaucoup d’enfants de filles mères et de pères inconnu, qui ne bénéficiaient, sans doute pas, de toute l’attention souhaitable.

A ce sujet, il est utile de signaler le rappel que le curé faisait en chaire, au cours des messes, périodiquement de l’Edit d’Henri II puis d’Henri III, promulgué en 1551 et en vigueur jusqu’à la Révolution qui faisait obligation, aux femmes non mariées, veuves ou célibataires enceintes de déclarer leur état devant un notaire ou un juge. C’était pour prévenir les avortements ou les accouchements clandestins que cette ordonnance était régulièrement rappelée.

 

André PICHOT au milieu de ses essais de blé

Les Mariages.

Dans certains registres paroissiaux les plus anciens, on rencontre des actes qui sont consacrés aux fiançailles et aussi aux publications des bans.

Par la suite, les fiançailles se font souvent le même jour que le mariage, et les publications des bans qui se font toujours par 3 fois, sont, seulement rappelées, aussi, dans l’acte de mariage.

Les indications contenues dans les actes de mariages sont capitales pour l’établissement d’une généalogie. Malheureusement, les actes anciens sont souvent sommaires. Dans certains, avant 1667, on trouve juste le nom des mariés, sans plus de détail.

Par la suite, grâce à l’ordonnance prise par Louis XIV à St Germain en Laye en 1667, complétée en 1736, les curés furent tenus de faire figurer le nom des parents, 

avec indication éventuellement de leur décès, le domicile des parents, la parenté des témoins etc…

La tenue de deux registres signés est obligatoire. L’un reste à l’Église. On le retrouve maintenant à la Mairie.

L’autre registre est transmis au bailliage. C’est lui, qui en principe, est conservé aux Archives Départementales.

Accord des parents.

Pour se marier, les jeunes doivent obtenir la permission de leurs parents : les garçons, jusqu’à l’âge de 30 ans, les filles jusqu’à 25 ans.

Cette autorisation se faisait généralement de vive voix, le jour de la cérémonie. Quelques fois, quand le père était absent pour cause de maladie ou d’éloignement, une autorisation passée devant notaire était valable.

Quand les parents étaient décédés, c’est le tuteur qui donnait son accord.

Si les parents, et notamment le père, n’étaient pas consentants, le mariage pouvait cependant être célébré, mais après une procédure un peu compliquée, mais ça se produisait rarement.

En ce qui concerne l’âge et la situation des mariés, tous les cas se rencontrent. Souvent, les jeunes qui veulent avoir une dot ou un petit pécule, attendent 25 à 30 ans pour se marier, âge un peu avancé qui a pour conséquence de contribuer, en partie, à un certain contrôle des naissances, associé d’ailleurs à l’allaitement au sein qui espace aussi les naissances.

En ce qui concerne l’âge minimum, on trouve quelques rares mariages de filles très jeunes 16-15-14 et même 13 ans. Ainsi à Nottonville en 1701, Marie Huguet s’est mariée sans problème, à l’âge de 12 ans ½, avec un garçon de 23 ans ! Luis Lemoyne, avec le consentement de ses parents, bien sûr, comme c’est le cas général, mais sans qu’il n’ait été besoin de demander une dispense particulière. J’ai vérifié la date de naissance de Marie Huguet : elle avait bien 12 ans ½ lors de son mariage. Par curiosité, j’ai relevé la date de naissance du premier enfant de ce couple. Il est né en 1706 à Nottonville, alors que la jeune mère avait, alors, 18 ans. Quant au jeune mari de 23 ans, il avait les moyens d’entretenir sa jeune épouse puisqu’il était pêcheur de profession, dans la Conie.

On trouve, aussi, quelques mariages disons « forcés » qui précèdent parfois d’un mois ou deux, la naissance d’un enfant. Mais la médaille d’or en la matière revient, sans doute (car on ne peut gère faire mieux), à une mariée de Villampuy qui donne naissance à un beau bébé le lendemain de son mariage.

Lorsqu’un veuf se remarie, on ne trouve pas toujours, dans l’acte de remariage, le nom de ses parents, ni celui de son épouse décédée, ce qui complique la recherche pour établir la filiation. Il faut, alors rechercher son premier mariage qui peut avoir été célébré dans un autre village.

Le délai de remariage d’un veuf peut être très court (quelques mois ou même un seul mois).

Pour une veuve, ce délai est un peu plus long, en général. Mais c’est la nécessité qui impose ces remariages rapides.

Compte tenu de la forte mortalité à tous les âges, les remariages étaient fréquents. On rencontre des hommes ou des femmes qui se remarient 3, 4 ou même 5 fois au cours de leur vie. Exemple, à Houx, où la mariée, qui a 47 ans, se remarie en 1703 pour la 5ème fois. Dans l’acte de remariage, les noms des quatre précédents époux  sont indiqués (cela doit être un peu démoralisant pour le 5ème qui lui, aussi, est également veuf dans ce cas).

Autre exemple : Jeanne Lefebvre qui décède le 17 avril 1742 à l’âge de 70 ans à Nottonville, après avoir été veuve cinq fois.

On parle beaucoup, de notre temps de familles recomposées à la suite de divorces. Eh bien, elles étaient, au moins aussi fréquentes, autrefois, à cause du décès de l’un des parents.

Je voudrais dire un mot des problèmes de consanguinité dans les mariages entre proches parents.

Pour éviter, dans la descendance, le risque génétique d’apparition de tares et de malformations, l’Église introduisit des interdits dans les règles de mariage. Si les alliances entre parents en ligne directe ont toujours été refusées, la réglementation entre collatéraux a, elle, souvent changé. En 1214, le Concile de Latran avait établi la règle d’interdiction de consanguinité au 4ème degré, tout en donnant la possibilité de demander une dispense.

Donc, deux personnes souhaitant se marier, devaient vérifier si leur union n’était pas interdite par l’Église, ce qui était le cas lorsqu’elles étaient parentes par le sang, jusqu’au 4ème degré canonique, c'est-à-dire la génération des petits enfants de cousins germains. Mais, le tribunal du diocèse (l’officialité) pouvait accorder une dispense moyennant finance, sauf dans le cas de mariage entre cousins germains, où seul le Pape pouvait donner son accord.

On rencontre de temps en temps des mariages qui ont été célébrés sciemment ou non, sans la dispense réglementaire, et qui doivent être réhabilités, c'est-à-dire refaits suivant les règles, sinon les époux sont censés vivre en concubinage, et les enfants être considérés comme naturels.

On dit parfois, en blaguant, que nous sommes tous cousins.

La tradition orale permet normalement d’avoir, encore, connaissance de nos cousins issus de germains, mais au-delà le souvenir de parenté mutuelle s’efface. Pourtant, lorsqu’’on compare la généalogie sur un grand nombre de générations de gens qui sont restés dans une région (la Beauce, en ce qui nous concerne), il est très fréquent de trouver des couples d’ancêtres communs, si bien que nous sommes, alors, effectivement cousins, à un degré, certes, parfois très éloigné, mais pourtant réel. C’est dans le cadre d’Associations Généalogiques qui regroupent un grand nombre d’adhérents, ayant travaillé chacun de leur côté, et, en comparant les généalogies, que l’on a souvent la surprise de trouver des cousins inconnus, auparavant.

C’est d’ailleurs mon cas avec beaucoup d’adhérents de la SGEL que je ne connaissais pas il y a 10 ou 20 ans. Je me suis même rendu compte que j’étais cousin éloigné d’Hélène Boucher et de Marcel Proust, Monseigneur FILLON Ancien Archevêque de Bourges.

Un autre moyen de mettre en évidence ces cousinages éloignés et souvent ignorés, c’est la généalogie descendante qui consiste à partir d’un couple ayant vécu, par exemple, en 1700, d’en recenser tous les descendants directs. C’est ce qu’a fait, voilà 50 ans, Gilbert Imbault, pour les Camis, Imbault et Bouvard.

C’est aussi ce que font, maintenant, de nombreuses associations qui regroupent en de grands rassemblements, les nombreux descendants d’un couple d’ancêtres, comme les Pointereau, les Morize etc…

On se rend, alors, bien compte que la formule « Nous sommes tous cousins » n’est pas seulement une boutade. Elle comporte une part de réalité, même si on ne remonte qu’à 1600 – 1700.

 D’ailleurs, il y a mieux : il faut savoir que nous sommes tous, aussi, cousins avec nous-mêmes. Là, je m’explique :

En effet, une personne née en 1990, par exemple, descend de 32 aïeux mariés vers 1875-1880. En doublant le nombre de nos ancêtres à chaque génération, nous devrions avoir 256 millions vers l’année 1200, et 20 milliards sous le règne de Charlemagne, ce qui est impossible. De toute évidence, il y a donc eu au cours des siècles, beaucoup de mariages entre cousins plus ou moins éloignés, et souvent très éloignés. Donc, certains ancêtres reviennent à plusieurs reprises dans notre généalogie. C’est ce que l’on appelle l’Implexe.

A titre d’exemple, je me suis aperçu que je descendais de 3 enfants d’un même couple ; Barthélémy Raimbert et Claudine Moreau qui ont vécu à Pré ST Evroult, avant l’année 1700. Je descends même de 6 petits enfants de ce couple, qui sont devenus mes ancêtres.

J’ai d’ailleurs plusieurs implexes de ce genre.

Les Décès.

Avant 1792, c’est la date de l’inhumation, et non de décès, qui est indiquée en tête des actes. A cette époque là, les morts étaient enterrés rapidement, souvent le lendemain dans les cimetières.

Quelques personnes, souvent des notables, sont inhumés dans l’église où la tombe existe, encore, quelques fois. Ainsi dans l’église de Fresnay-le-comte se trouve la tombe d’André Bouvard décédé en 1769. C’était un bienfaiteur de l’Église, ancêtre de beaucoup de Beaucerons. Sa tombe est restée intacte, bien qu’elle se trouve, actuellement, sur le passage des fidèles, tout simplement parque qu’un plancher en parquet, avec des bancs, l’a longtemps protégée.

Un point intéressant, c’est l’âge au moment du décès, âge qui est souvent indiqué. La moyenne est certainement très basse. Beaucoup d’enfants mouraient au bout de quelques jours ou quelques semaines. D’assez nombreux accouchements se terminaient par la mort de la mère, et celle de l’enfant.

Ce qui est assez révélateur, c’est la composition de l’assistance lors des mariages. Il est assez rare que 4 parents soient présents. Il arrive même, assez souvent, que les quatre parents soient décédés. Quant aux grands parents, aucun n’est présent disons 1 fois sur 5.

On trouve quand même quelques octogénaires, nonagénaires, et même de rares centenaires comme Jacques Tiercelin qui est décédé à Villampuy le 30-12-1790 à l’âge de 102 ans, ou comme Marie Gaupillon qui, elle aussi, est décédée à 102 ans à Fresnay le Gilmert en 1739.

Mais on trouve de très nombreux décès à tous les âges. La cause de ces décès n’est généralement pas indiquée, sauf s’il s’agit d’un accident, par exemple un coup de pied de cheval, la chute d’une charrette, l’effondrement d’une carrière ou d’une marnière, d’un crime, ou alors le résultat d’une attaque des loups qui se manifestaient aux environs des endroits boisés. Loups qui s’en prenaient surtout aux femmes et aux enfants qui gardaient des vaches ou un petit troupeau.

Les épidémies de peste et de choléra sont bien sûr responsables de longues séries de décès.

Quand on constate ces décès massifs à certaines périodes, par exemple quand le curé de Bazoches en Dunois déplore, à la fin du registre de l’année, le décès de  

Eh bien, on est amené à penser aux peintures murales : « les danses macabres » qu’on voit dans certaines églises, comme à Meslay le Grenet.

J’ai par exemple, dans ma branche Cavart de Fresnay le Gilmert, trois sœurs. Marie Jeanne, âgée de 24 ans qui décède le 24-1-1742, Perrine, âgée de 14 ans qui décède le lendemain, et Anne, âgée de 23 ans qui décède le surlendemain.

Trois sœurs adultes en 3 jours. Ça doit être terrible pour les parents. Seul leur frère Gilles, mon ancêtre, a survécu. Mais les actes paroissiaux n’indiquent pas la cause de ces décès.

Je pense, souvent, aussi à mon ancêtre Marie Jeanne Bouvard, née en 1725, qui était orpheline à l’âge de 10 mois, et qui, grâce à une grand-mère et une tante, est restée vivante, ce qui me vaut le plaisir d’être là, aujourd’hui, comme je suis. Mais, tout le monde a des cas analogues parmi les centaines d’ancêtres qu’il compte.

C’est le mariage, quasiment généralisé des adultes (don peu de célibataires), et surtout le nombre des enfants qui ont permis à la population de se maintenir. Pourtant, on rencontre très peu de grandes familles de plus de 10 enfants, comme dans certaines régions.

Les Métiers.

Si la généalogie nous fournit la connaissance de notre filiation, elle peut, aussi nous apporter quelques indications sur la vie de nos ancêtres à commencer par leur métier, ce qui donne, déjà une notion de la vie rurale à l’époque.

Une première remarque : c’est la tendance à la continuation du même métier, au sein d’une famille de père en fils et aussi de père en gendre éventuellement, lorsque la fille épouse un garçon de même profession.

C’est ainsi que les descendants d’une famille de tailleurs de pierre de Thiville vers 1700, les Martin, se retrouvent marbriers à Chartres plus de 300 ans plus tard, où que des descendants de couvreurs d’Orgères vivant en 1610, les Delaubert  sont, aussi, couvreurs à Orgères 400 ans après. 

C’est le cas aussi de beaucoup de laboureurs, dont les descendants, aussi, agriculteurs, sont toujours dans le même village.

Les laboureurs représentaient la base de l’activité économique. Ils étaient propriétaires d’un ou plusieurs attelages (au minium 1 cheval) qui leur permettait de cultiver leurs champs dont ils étaient propriétaires ou, plus souvent, locataires. Ils pouvaient être seuls sur la ferme avec leur famille ou avoir un ou plusieurs salariés permanents ou saisonniers.

Certains fermiers, qui avaient des moyens suffisants, avaient un contrat pour collecter les impôts en nature comme la dime.

Une constatation curieuse : après la Révolution vers 1790-1800, le terme laboureur disparaît et les laboureurs deviennent cultivateurs. En somme, les laboureurs sont des cultivateurs d’avant la Révolution. Quelle a été la raison de ce changement ? Est-ce un effet de mode, analogue à celle qui transforme les cultivateurs en agriculteurs de nos jours ?

 

Parmi les salariés attachés à la terre, les charretiers ou hommes de labour en sont l’élite. On leur confie un attelage. Les fils de laboureurs commencent, souvent, ainsi leurs activités chez leur père ou chez un autre laboureur.

Pas de bouviers en Beauce, ce qui montre bien que le tracteur de l’époque, c’est bien le cheval. Les bergers, nombreux aussi, sont sans doute, des salariés chez les laboureurs, peut être quelques petits indépendants (il est difficile de savoir).

Et puis il y a de nombreux travailleurs qui peuvent être permanents où pas, qu’on appelle dans les actes d’état civil, des hommes de travail, des hommes de peine, des hommes de bras, des manouvriers ou des journaliers, auxquels ont fait appel quand on en a besoin.

On trouve aussi des batteurs en grange ou batteurs au fléau qui pouvaient travailler à tâche, en équipe souvent de quatre, de ferme en ferme et aussi les tondeurs qui dépouillaient de leur laine les moutons avant l’été.

A côté des laboureurs, on rencontre de nombreux vignerons, même dans des terres de limon comme à Neuvy en Dunois mais ils cherchent, surtout, à valoriser les terres pierreuses. Disposant de petites parcelles en vignes, ils avaient aussi, quelques animaux ou volailles. Certains étaient en même temps cabaretiers.

La présence de nombreux vignerons en Beauce et aussi des tonneliers accrédite bien l’idée que les Beaucerons étaient des consommateurs de vin, alors que les Percherons buvaient plutôt du cidre.

Il y avait, aussi, dans les campagnes beauceronnes, un certain nombre d’autres professions liées à l’agriculture :

Les Maréchaux qui ferraient les chevaux et forgeaient les socs de charrues et fabriquaient souvent les outils manuels.

Les Bourreliers qui fabriquaient et entretenaient les harnais.

Les Charrons qui cerclaient les roues et fabriquaient les charrettes et les râteliers.

Et puis, on trouvait les professions du bâtiment : les maçons qui étaient souvent des maçons en bauge (la bauge étant de la terre ou plutôt de la boue mélangée à un peu de paille). La chaux était rare et chère. Elle était principalement réservée aux châteaux et aux églises.

Il y avait, aussi, les charpentiers. Certains avaient un savoir faire évident quand on admire, encore aujourd’hui, certaines charpentes anciennes (de granges, d’abbayes, de châteaux).

Enfin, les couvreurs, surtout des couvreurs de chaume (et non de paille battue comme on le croit parfois). Explication : Il existait, avant la Révolution, une pratique qu’on a oubliée et qu’a étudiée, en détail M. Yves Legrand de la société Archéologique d’Eure et Loir, pratique qui était obligatoire et qui consistait à récolter les blés à la faucille (et non à la faux), avec obligation de les couper à une certaine hauteur. D’autre part, le droit d’arracher les chaumes après la moisson (ou droit de chaumage) permettait à tout le monde d’arracher les chaumes pour couvrir les maisons et les bâtiments, et éventuellement de faire du feu.

 Le chaumage, comme le glanage, comme le ramassage du bois mort, comme le droit aux « herbières » (qui avaient des lapins, une chèvre ou même une vache) de couper de l’herbe dans les cultures jusqu’à un certain stade, ainsi que la vaine pâture, étaient des usages locaux qui permettaient aux gens les plus pauvres de s’abriter, d’avoir un petit élevage et aussi de se chauffer, bien modestement, il est vrai !

A proximité de la Conie, les roseaux constituaient un matériau idéal pour les couvertures, et de grande valeur.

Mais ces couvertures en chaume ou en rouche avaient l’inconvénient de permettre aux incendies de se propager à tout le village, comme ce fut le cas le 30 avril 1769 à Prasville. On trouve parmi les registres paroissiaux de Prasville, une description détaillée de cet incendie, qu’en a faite le curé, incendie qui n’a épargné que quelques maisons, situées face au vent.

Quelques couvreurs en tuiles sont signalés, mais on ne semble pas fabriquer beaucoup de tuiles en Beauce. Toutefois, à Villeneuve St Nicolas, il y a des familles de tuiliers de père en fils.

Mais il fallait, aussi, se vêtir et se chausser. Et pour cela, comme pour le reste, on utilise surtout les productions et les compétences locales. On note la présence de peigneurs et cardeurs en laine, de filassiers, de texiers et de tisserands, des tailleurs d’habits, des couverturiers et aussi des sabotiers et cordonniers.

Enfin, il y a des professions qui intéressent l’ensemble de la population. D’abord les maîtres d’école. Dans les années 1600-1650, peu de gens savent même signer. Et puis on voit apparaître dans les registres la présence de maîtres d’école ou de maîtres des petites écoles. Dans certaines paroisses, de plus en plus de gens savent écrire leur nom. Souvent, les maîtres d’école sont invités à mettre leur signature au bas des actes. Il semble que le maître d’école nommé d’ailleurs sur l’intervention du curé, travaille de concert avec celui-ci. Il est souvent marguillier ou sonneur de cloches. La lecture des actes ne permet pas de connaître comment sont formés ces maîtres d’école, ni quel est le niveau de leur enseignement (qui ne doit pas être bien élevé).

Comme les laboureurs, les maîtres d’école changent d’appellation, à la suite de la Révolution. Ils deviennent instituteurs. Ce sont eux qui remplaceront souvent les curés pour la rédaction des actes d’état civil dans les maisons communes, futures mairies à partir de 1793.

Voyons maintenant le Corps médical. A la lecture des actes, on ne rencontre pas de médecins à la campagne, sauf un cas à Voves. Il y en a quelques un dans les grandes villes, ainsi que des apothicaires. Par contre, dans beaucoup de villages, il y a une sage-femme et quelques Maîtres chirurgiens et même une chirurgienne à Varize.La sage-femme est choisie par le curé parmi les femmes, souvent, des veuves qui doivent prêter serment devant l’église. Exemple : Acte de réception de la charge de sage-femme à Villeneuve St Nicolas.

Le 20-2-1765, ayant été suffisamment instruit par des personnes dignes de foi et ayant été convaincu par moi-même après examen sérieux de la capacité de Luise Fleuri, épouse de Pierre Benoist, de cette paroisse, pour remplir la charge d’assister aux enfantements, de la régularité de ses mœurs et son attachement à la foi Catholique, Apostolique et Romaine, et de sa bonne réputation, nous l’avons acceptée et reçue pour l’exercice de cette charge, toutes les fois qu’elle y sera employée, ayant prononcé le serment devant le grand autel de notre église de Villeneuve St Nicolas en notre présence et de plusieurs personnes dont deux ont signé avec nous.

Les Maîtres chirurgiens

Les Maîtres chirurgiens interviennent, eux, à la demande des sages-femmes en cas d’accouchement difficiles. Lorsque les choses se passent mal et que le nouveau-né est en danger de mort, le chirurgien et la sage-femme s’empressent de l’ondoyer, c'est-à-dire de le baptiser sous condition.

Les actes paroissiaux ne permettent pas de connaître les autres activités des Maîtres chirurgiens – sans doute les fractures. De la médecine, aussi ? Sans doute.

On sait qu’au temps de Molière, les saignées et les lavements étaient très pratiqués. La lecture des actes ne permet pas de dire si ce fut le cas en Beauce.

On rencontre bien, parfois, parmi les actes, des mentions de remèdes dont on ne connaît pas l’origine et qui dénotent bien le manque de moyens et de connaissances, à l’époque. Par exemple à Blandainville, à la fin d’un registre, on trouve quelques remèdes pour les maux de gorges, les maux d’estomac, les fièvres pourprées, les fièvres tremblantes et les fièvres pestilentielles.

Contre les maux de gorges, on vous conseille ceci :

Ayez une pierre de vitriol de Chypre, et mettez-la dans un verre d’eau jusqu’à ce que l’eau ait pris la teinture. Dans laquelle, vous mettez une ou deux gouttes d’huile de soufre qui ré-éclaircira votre eau, comme elle était auparavant, de laquelle vous vous gargarisez.

On conseille de prendre garde d’en avaler.

Si quelqu’un parmi vous veut essayer ces remèdes, je tiens à sa disposition ces recettes.

Les Notaires.

Les Notaires, surtout des notaires royaux, étaient présents dans de nombreux villages et même des hameaux. A une époque où peu de gens savaient écrire, leur rôle était important. Ils rédigeaient les actes de ventes, les baux des terres, des moulins et même d’animaux. On pouvait louer une vache.

Les Notaires établissaient, aussi, des contrats de mariages, et ces contrats sont d’une grande utilité pour les généalogistes, dans la recherche des parentés, quand les registres paroissiaux font défaut.

Ce sont eux qui règlent les successions à partir d’inventaires au décès qui révèlent en général le maigre mobilier des gens de nos campagnes, et aussi l’équipement très sommaire des laboureurs. Le matériel était constitué surtout de charrues et de herses, de charrettes et de râteliers pour les moutons. Ce sont les bestiaux : chevaux, vaches et moutons surtout, qui avaient le plus de valeur.

C’était certainement les notaires qui rédigeaient les testaments.

Les Marchands.

Il y avait, aussi, de nombreux marchands qui circulaient, à pied ou à cheval sur des routes et des chemins souvent dégradés. Il y avait des blastiers ou marchands de blé, des marchands de chevaux, de vaches, de moutons et de porcs, qui fréquentaient, aussi, les marchés. Il faut y ajouter, aussi les marchands d’épices, les marchands de bas, les marchands merciers, et enfin les colporteurs qui, dans leur  hotte, avaient un bric-à-brac pas ordinaire, y compris des almanachs qui constituaient la principale lecture des campagnes.

Mais tout ce monde là devait trouver un gîte aux étapes. C’est pourquoi de nombreux cabaretiers, aubergistes et hôteliers s’étaient installés un peu partout.

C’est ainsi, qu’à Voves, il y avait déjà l’Auberge des Trois Rois et l’Auberge du Dauphin, qui ont eu, parfois, des démêlés, entre eux, dont on trouve des traces aux archives.

Enfin, il faut signaler les mendiants qui étaient parfois en couple, qui vivaient de la générosité de la population. En période de disette ou même de famine, après une mauvaise récolte, ces mendiants pouvaient être si nombreux et agressifs, que les autorités pouvaient organiser, comme on le dit, dans une note, le curé de Villampuy, des rafles, pour envoyer un certain nombre en prison, puis dans les Isles (sans doute les Caraïbes).

Voilà donc les principaux acteurs de la vie des villages, tels qu’on peut les connaître, en lisant les actes de mariages, naissances et décès.

Dans les villes, il y avait, bien sûr, des professions beaucoup plus spécialisées que l’on ne rencontre pas dans les villages, comme des vitriers, des horlogers, des perruquiers, des pâtissiers, des apothicaires, des juges et des avocats. L’ambiance devait être différente.

Déplacement des populations.

Un point qui présente, aussi, un certain intérêt, c’est le déplacement des populations. De 1600 à 1800, il n’y a pas eu d’invasion massive. Beaucoup de mariages se faisaient dans le village même. Mais on note de nombreux échanges entre villages voisins. Les laboureurs, attachés au sol, sont évidemment les plus stables. Les autres professions viennent occuper les places vacantes à la suite d’un décès ou d’une retraite, et peuvent arriver d’un village plus éloigné. C’est le cas des Maréchaux, des charrons, des meuniers, des chirurgiens etc…

Mais la grande majorité de la population ne s’écarte, en général, pas de plus de quelques kilomètres, en dehors des migrations annuelles limitées de moissonneurs Percherons ou Normand qui viennent faire la moisson, ou des maçons Limousins ou Poitevins.

Il n’y a pas, non plus, beaucoup d’échanges entre la campagne et la ville.

Notes diverses.

Il faudrait ajouter qu’au milieu des actes d’état civil, dans les registres, on trouve des notes de curés qui relatent des événements plutôt exceptionnels qui n’ont rien à voir avec la généalogie, mais qui présentent néanmoins un grand intérêt, en ce qui concerne la vie de nos ancêtres.

Il s’agit, souvent, de phénomènes climatiques, comme, par exemple, l’orage et le tonnerre qui effrayaient beaucoup les gens qui avaient fréquemment la réaction de se réfugier à l’église. Mais, comme en Beauce, c’est le clocher qui est le plus élevé du village, c’est là que la foudre tombe, souvent. A ce sujet, il est intéressant de lire la scène de panique racontée par le curé de Neuvy en Dunois en 1699, et aussi à Prasville en 1769 (le 6 août).

Mais ce sont les conséquences des excès de climat, sur les récoltes qui font, le plus, l’objet des préoccupations. C’est surtout le gel des blés qui est le plus redouté. Le  blé, grâce au pain, est la base de la nourriture des hommes. C’est aussi le chaume de blé qui sert à faire les couvertures. Enfin, les impôts en nature, la dime, le champart, la taille reposent surtout sur le blé.

Une bonne récolte de blé assure de justesse les besoins de la population, avec un rendement d’à peinte 10 quintaux l’hectare. La destruction des blés par le gel, c’est à coup sûr l’annonce de grosses difficultés pour l’année qui suit. Le prix du pain et le coût de la vie grimpent. Les batteurs en grange sont partiellement au chômage.

La culture du seigle, plus rustique, mais moins appréciée et, surtout, les bonnes récoltes d’orges de printemps qui remplacent les blés gelés, permettent de passer le cap, même si le pain n’est pas fameux.

On trouve, de temps en temps, parmi les actes d’état civil, des notes du curé qui relatent ces événements. Les comptes-rendus annuels que fait le curé de Villampuy, Louis Baratin, vers 1740-1750, sont particulièrement intéressants et instructifs. Louis Baratin, issu d’une famille d’agriculteurs de Neuvy en Dunois, Pré St Martin, connaît bien, à l’évidence, les problèmes agricoles de l’époque et les conséquences sur les populations.

Je vais vous lire deux ou trois de ses comptes-rendus annuels :

  1. Villampuy 1746
    La récolte de l’année
    1746 n’a pas été abondante en blé à cause de la grande quantité de chardons. Les gerbes ne rendaient pas au minot et les ventes des fermiers ont continué de se faire. Plusieurs métairies ont été abandonnées.

  2. Villampuy 1751
    L’année
    1751 a été remarquable par un vent et une tempête violente arrivée la nuit du 14 au 15 mars. Sa force la plus terrible fut, environ vers 6 heures du matin. Plusieurs moulins à vent furent renversés, notamment celui de Tournoisis, celui de Saulmeny et plusieurs autres. Beaucoup de maisons et de granges furent emportées, surtout des couvertures. Peu de cheminées restaient entières et intactes. Cet ouragan fut universel, et on entendit parler de ses effets, partout. (C’était, sans doute, un coup de l’effet de serre avant l’heure).
    Une montage, même, proche de la ville de Tarbe en Gascogne, fut renversée et combla la vallée.
    L’année fut presque sans gelée, seulement 3 ou 4 jours, au mois de mars. (
    sans doute déjà un réchauffement de la planète). En sorte que les traînées de pluies froides empêchèrent les blés d’avancer, que qui les rendit petits et jaunes (aujourd’hui on parlerait de lessivage d’azote) NDLR
    Il y eut une très mauvaise récolte pour les blés. Les bonnes terres ne produisirent pas d’avantage que les méchantes. Quand les laboureurs eurent semé, il ne leur restait que peu de blé et point d’empaillement. On fut fort embarrassé des bestiaux, surtout des moutons et des brebis. Cette disette de blé était universelle.
    Dans tout le pays les récoltes étaient médiocres. Presque tout le monde cherchait sa vie. Beaucoup volaient, perçaient les maisons et demandaient du pain, la nuit n’osant pas le faire pendant le jour : Pourtant, le blé n’était pas encore, à un prix excessif, ni le pain.

Il ne valait que 14 à 15 francs le septier de Châteaudun, parce qu’il restait beaucoup de vieux blé de la précédente récolte qui avait été bonne. D’ailleurs il arriva beaucoup de blé de bateau sur la Loire, qui venait d’Auvergne, une des rares provinces de France qui fut bonne en blé. Ce qui faisait tant de pauvres, c’est qu’il n’y avait point de blé à battre. Les plus laborieux étaient obligés de mendier et peu de fermes étaient en état de donner. On remarqua pourtant que le carnaval suivant, jamais il ne s’était fait autant de mariages, ce qui ne diminuait pas le nombre de mendiants.

Compte rendu annuel de Louis Baratin, curé 1752.

Cette année 1752 a été des plus extraordinaires. Les semis de mars furent faits par une sécheresse qui dura jusqu’à la Saint Baptiste. En sorte qu’il n’y avait que : premier semés qui levèrent. Tous les autres qui étaient en bien plus grande quantité n’étaient point levés à la Saint Pierre, et on désespérait d’avoir de l’avoine cette année.

Il y avait même dans les premiers semis quantité de chardons qui auraient, sans doute, étouffé tous ces mars, sans coup heureux du ciel : il tomba comme une nuée de papillons rouges qui engendrèrent une grande quantité de chenilles noires et que ces chenilles se répandant dans tous les champs mangèrent toutes les plantes de chardons ne laissant plus que les croutons secs.

Après quoi, ces chenilles, couvrant toute la surface du sol de manière qu’on pouvait mettre les pieds sans marcher dessus.

Ensuite, il survint une abondance de pluie qui fait mourir toutes ces chenilles et lever les avoines.

A la vérité, ces mars ne levèrent que les uns après les autres et par conséquent, dans une pièce de terre, à la moisson, un coin était mûr, un autre endroit était, encore, vert. Il fallait faucher les champs à plusieurs reprises, ce qui fait durer la moisson jusqu’à St Rémy. Les avoines vinrent hautes et échaudées, ne rendant pas au minot.

Pour terminer, ces réflexions pour l’année écoulée 1745.  L’année 1745 a été malheureuse parce que la récolte des blés fut mal traitée par les pluies et que les blés furent presque pourris sur la terre. Les pluies commenceront le 15 août et continuèrent tous les jours pendant six semaines. Les Outrons n’arrêtaient pas de couper et les blés restaient, sur terre, en Javelles, sans qu’on les lient. S’il venait une éclaircie on tournait les javelles et on attelait les chevaux. On commençait à engerber et une pluie abondante survenait. On emmenait quelques demi-chartées, toutes mouillées, toutes dégoûtantes d’eau. Une partie des blés germaient dans les tas et dans les champs de sorte que les blés de cette année furent de très mauvaise qualité.

Les collecteurs de dîme et les propriétaires ne voulaient pas recevoir de ces blés là et les laboureurs restaient avec une dette, en arrérage.

Seuls les petits laboureurs qui avaient peu de blé, avaient pu en couper et rentrer une partie avant l’arrivée des pluies.

On sema beaucoup, de ces mauvais blés qui levaient fort clair. On était obligé de surcharger de semence les terres.

La Taille (Impôt Royal) était considérable. Le dixième denier qu’on payait, les miliciens qu’on fournissait tous les ans, à cause de la guerre contre la Reine de Hongrie. Tout cela répandit une grande misère… etc…

Il n’y avait que les sergents et les huissiers qui faisaient des affaires. 

Quant au vin, il ne fut pas abondants non plus. Sa cherté eut un effet plus puissant sur la consommation excessive que les plus beaux et éloquents sermons que je faisais pour éloigner les gens des cabarets.

L’ivrognerie cessa et les cabaretiers eurent le temps de planter les choux et d’être aux abois, débitant, seulement, quelques poinçons par ci par là, qu’ils devaient aux marchands.

CONCLUSION

Voilà, j’ai essayé de résumer, les impressions que m’a laissé la lecture pendant des années des actes paroissiaux d’avant la révolution. Cette lecture donne, je crois, une bonne idée du comportement de nos ancêtres au cours des 17ème et 18ème siècles, de leurs problèmes et de leurs difficultés.

Les causes ou raisons qui ont contribué à rendre cette période difficile, elles étaient, je crois au nombre de trois :

  • D’abord l’état de santé des populations exposées aux durs travaux, au manque de confort et surtout aux maladies et épidémies fréquentes et mal maîtrisées, entraînant des décès à tous les âges.

  • C’est aussi, la faiblesse de la production agricole t surtout son irrégularité face aux phénomènes climatiques. On était, encore, à l’assolement triennal ou un tiers des terres était en jachère nue, dont non productives. Ça n’est que plus tard, vers 1850-1900, que cette sole a été occupée par des cultures fourragères de toutes sortes. On a pu augmenter alors de nombre des animaux domestiques, qui ont fourni plus de fumier assurant une certaine fertilité des terres.

  • Autre cause de difficulté. C’est sans doute une pression fiscale assez lourde face à des revenus faibles.