Racines du Pays Loire Beauce a 20 ans; Célébration de la Francophonie suite 2
Modifié le : 27/11/2024 18:04
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La "Célébration de la francophonie en Pays Loire Beauce" thème retenu pour marquer les vingt ans de l'association a été introduite par l'histoire du fabuleux destin de la langue française par Marie-Chrisitne Marinval, professeur honoraire de l'Université Panthéon-Sorbonne et secrétaire de l'association.
Le fabuleux destin de la langue française
L’avènement du Français
Dans toute l’Europe, le Moyen Age voit l’émergence de langues dites « vernaculaires», du latin vernaculus signifiant « de la maison ».
Ces différentes manières de parler concurrences le latin, langue des savoirs, de l’Eglise et du monde politique international de l’époque.
842 : acte de naissance de la « langue française »: les Serments de Strasbourg
Les Serments de Strasbourg constituent le plus ancien texte en « français » conservé.
Tout commence par une sombre histoire d'héritage entre les petits-fils de Charlemagne : Lothaire Ier, Louis le Germanique et Charles le Chauve. Ces deux derniers décident de s’unir contre leur frère aîné. Pour sceller leur alliance, ils signent en février 842 les Serments de Strasbourg, retranscrits par leur cousin le chroniqueur franc Nithard.
Les Serments ont été rédigés en deux langues : le roman ancêtre du français et le tudesque ancêtre de l'allemand.
Il s'agit donc du premier document officiel écrit en langue romane et non pas en latin.
Serments de Strasbourg, 842
XIIe siècle : l’essor de la poésie en ancien Français
Rutebeuf: Ménestrel et écrivain du XIIIe siècle
Il se distingue des auteurs de son temps en rompant avec la tradition des poésies courtoises et raffinées en langue d'oïl.
Son œuvre très personnelle mêle théâtre, biographies, poèmes lyriques et satiriques… Ses poèmes ont inspiré Léo Ferret.
Il doit probablement son nom au surnom « Rustebeuf » (bœuf vigoureux) qu'il utilise lui-même dans son œuvre.
Poême de Ruteboeuf, 13 ème siècle
XVème siècle : Ainsi parlait Jeanne d’Arc s’adressant au Roi d’Angleterre.
Lettre au roi d’Angleterre, 22 mars 1429
1539 : l'ordonnance de Villers-Cotterêts, un texte fondateur
François Ier signe le 25 août 1539 l'ordonnance de Villers-Cotterêts dans sa résidence royale. Les articles 110 et 111 imposent la langue française dans tous les actes à portée juridique de l’administration et de la justice du royaume, au détriment du latin !
Ce texte de loi pose un premier jalon pour l’essor du français, et contribue à l’unification politique du pays autour d’une même langue.
Article 111 de l’ordonnance de Villers-Cotterêts
1635 : la création de l'Académie française
C'est dans une volonté d'unité linguistique nationale qu’est créée l'Académie française en 1635. Fondée par le Cardinal de Richelieu, cette institution a pour mission principale de veiller sur l'état de la langue et de rappeler son bon usage.
1784 : le Discours sur l'universalité de la langue française d’Antoine de Rivarol
Aux XVIIe et XVIIIe siècles, l’usage du français dépasse largement les frontières du royaume.
Synonyme de raffinement, il est parlé par les élites dans les plus grandes cours d’Europe.
Dans son essai intitulé De l’universalité de la langue française, Antoine de Rivarol répond à trois questions posées par l'Académie de Berlin dans le cadre d'un concours : « Qu’est-ce qui a rendu la langue française universelle ? Pourquoi mérite-t-elle cette prérogative ? Est-il à présumer qu’elle la conserve ? ».
L’écrivain défend le « génie » de cette langue. « Ce qui n’est pas clair n’est pas français », affirme-t-il !
1794 : l'abbé Grégoire veut abolir les langues régionales
Qui parle véritablement français à la fin du XVIIIe siècle ? Pour le savoir, l'abbé Grégoire mène une enquête sociologique à travers tout le pays, pendant quatre ans.
Ses conclusions sont édifiantes : seul un français sur cinq utilise la langue nationale. Ce sont les langues régionales et les patois qui prédominent.
L'homme de lettres rédige alors un rapport « sur la Nécessité et les moyens d’anéantir les Patois et d’universaliser l’Usage de la Langue française », justifiant ses idées par le besoin d'unifier la nation.
« On peut uniformer le langage d’une grande nation, de manière que tous les citoyens qui la composent, puissent sans obstacle se communiquer leurs pensées ».Abbé Grégoire.
Madame Walter récite un poème en occitan de Gaston Phébus,
prince poète des Pyrénées du 14ème siècle
1882 : l’enseignement primaire obligatoire pour tous en francais
En 1881 et 1882, Jules Ferry, ministre de l'Instruction publique, fait adopter deux lois rendant l’instruction primaire gratuite, obligatoire et laïque.
L’école se fera en français uniquement afin de diffuser cette langue sur tout le territoire, comme le souhaitait l'abbé Grégoire un siècle plus tôt.
Il est alors interdit aux élèves de s’exprimer dans des langues régionales, ce qui contribuera à fragiliser ces dernières.
Il faudra attendre la loi Deixonne du 11 janvier 1951 pour que l’enseignement des langues régionales de France soit autorisé.
1992 : la « langue de Molière » est inscrite dans la Constitution
« La langue de la République est le français. » Aussi surprenant que cela puisse paraître, c'est seulement en 1992 que la langue française est inscrite dans la Constitution, dans un alinéa de l'article 2.
Ce changement intervient l'année de la ratification du Traité de Maastricht, fondateur de l'Union européenne. Les débats à l'Assemblée nationale témoignent d’une volonté de protéger la « langue de Molière » face à celle de Shakespeare.
1994 : une loi pour la langue française
La loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, dite « loi Toubon », met en œuvre au plan législatif le principe posé par l’article 2 de la Constitution : « La langue de la République est le français ».
Elle pose que le français est la langue de l’enseignement, du travail, des échanges et des services publics. Elle n’interdit pas l’usage d’autres langues, mais garantit le droit à comprendre et à s’exprimer dans notre langue commune. Cela concerne un grand nombre de situations de la vie quotidienne, notamment la consommation des biens et les services, la publicité, l’emploi, l’accès aux droits...
Puis la parole a été donné à Magie Sudre, ancienne secrétaire d'Etat à la francophonie.
Margie Sudre ancienne secrétaire d'état à la Francophonie de 1995 à 1997 a ainsi partagé avec l'auditoire les moments importants de sa de sa mission pendant ces deux années au Quai d'Orsay
En introduction, Madame Margie Sudre tient à rappeler deux faits historiques qui ont une conséquence sur la position du français dans le monde :
La francophonie a souffert de 2 évènements dont elle n’est pas responsable :
-En 1803 Napoléon vend la Louisiane aux anglais. La Louisiane de l’époque était beaucoup plus importante en superficie qu’aujourd’hui puisqu’elle faisait 2 145 000 km2, soit 22, 3% de la superficie actuelle des Etats Unis. Si nous avions gardé la Louisiane, les USA seraient francophones aujourd’hui.
-En Europe au moment de la création de la Communauté Economique Européenne(CEE) à la suite du Traité de Rome en 1957, les pays fondateurs étaient la France, l’Italie, l’Allemagne, la Belgique et le Luxembourg, les Pays Bas. Le ministre allemand propose de faire du français la langue officielle de l’Europe mais les Flamands s’y opposent. Et c’est l’anglais qui est retenu, sachant qu’aujourd’hui la Grande Bretagne s’en est retirée.
Ces deux évènements ont joué un rôle plutôt négatif dans le développement de la langue française
Margie Sudre nous raconte ensuite comment elle a été nommée secrétaire d’Etat à la francophonie :
Elle a été choisie par Alain Juppé alors premier ministre à la demande de Jacques Chirac président en 1995. Quelques temps auparavant, en tant que présidente de la région, elle avait accueilli le président de la République qui était venu en visite à la Réunion.
Sa nomination au gouvernement lui avait fait ressentir une très grande émotion, elle née au Vietnam d’un père corse et d’une mère vietnamienne, arrivée à Marseille en 1951 parlant mal le français. Elle doit beaucoup à sa mère qui a dit à ses filles dès leur arrivée : « La France est aujourd’hui notre pays donc je veux que vous appreniez le français et que vous le parliez très bien ».
D’après Margie Sudre : « si toutes les personnes qui viennent de l’extérieur et s’installent en France, disaient cela à leurs enfants, nous n’en serions peut-être pas là aujourd’hui ! »
Elle a adoré cette langue dès qu’elle a commencé à la comprendre et pouvoir lire les écrivains comme Balzac, Colette, …
Elle a de plus été la première réunionnaise à devenir ministre.
Puis elle nous raconte son « baptême du feu » à l’Assemblée nationale en tant que secrétaire d’État. Un député lui pose la question suivante : « Que va devenir le budget de la Francophonie ? ». Avec son directeur de Cabinet, elle avait préparé sa réponse. La question posée, elle se lève pour prendre la parole alors que son ministre de tutelle annonce que c’est lui qui va répondre. Et le député de reprendre « C’est à Margie Sudre que j’ai posé la question !» A cet instant l’ensemble de l’hémicycle a bruyamment soutenu la demande du député.
Son premier voyage officiel en tant que secrétaire d’Etat à la francophonie a été au Vietnam à Hanoi. Elle n’y était pas retournée depuis son arrivée en France à l’âge de 8 ans. Quelle ne fût pas son émotion !
Pour préparer au mieux ce déplacement, le Président Chirac lui avait conseillé de prendre des cours de vietnamien qu’elle ne le pratiquait plus depuis de nombreuses années.
Lors de ce séjour elle rencontra Pham Van Dông, ancien Premier Ministre d’Ho Chi Minh. Cet homme remarquable, amoureux de littérature française devenu aveugle a été ému aux larmes lorsque Margie lui a offert des cassettes enregistrées d’auteurs français.
Durant ses deux années en tant que secrétaire d’Etat, Madame Sudre s’est déplacée dans de nombreux pays. Certains lui ont laissé des souvenirs particuliers comme sa visite en Moldavie où elle a découvert des jeunes gens très investis dans la défense de la langue française ou encore son déplacement au Vatican lors de la cérémonie en l’honneur des prêtres de Rochefort tués à la Révolution française et reconnus comme « Bien heureux » sous un soleil de plomb sur la place Saint Pierre de Rome.
Margie Sudre a résumé son parcours exceptionnel dans un livre publié en 1998 : « Du Mékong au Quai d’Orsay ».
Table ronde
Intervention de JP Sueur, ancien ministre, membre honoraire du parlement et linguiste
La langue est belle dans son histoire.
Il y a des centaines de langues qui sont mortes, qui ont disparues. Chaque langue est une civilisation.
L’abbé Grégoire qui a voulu faire une et pour tous du français en supprimant les langues régionales est-ce si formidable ? Les langues sont une richesse de diversité.
Demain défendre la francophonie dans le monde est une bataille à mener. Par exemple les enfants en primaire en Tunisie n’apprennent plus le français. Il faut défendre les budgets des alliances car d’autres pays, comme la Chine ont eux une politique de développement dans les pays africains . Faire des économies de bout de chandelle est très préjudiciable pour la défense de notre belle langue.
Nous devons aussi réfléchir à la façon dont nous recevons les étudiants étrangers dans nos universités. Si leur difficulté est trop importante pour obtenir un visa, ils vont dans d’autres pays. Chaque étudiant étranger venant faire ses études chez nous est demain un ambassadeur pour la francophonie quand il rentre dans son pays.
Puis J.P. Sueur ancien Secrétaire d'état aux collectivités territoriales, parlementaire et linguiste ayant publié sur Charles Péguy et Victor Hugo a fait part du role du Français dans ses recherches.
Richard Ramos, député du Loiret et critique gastronomique
Richard Ramos est d’accord avec JP Sueur sur l’importance de bien recevoir les étudiants étrangers qui viennent en France.
Il prend l’exemple de deux de ses collaborateurs :
-l’un arrivé en France il y a quatre ans, lisait des poèmes de Victor Hugo en gardant les chèvres à Essaouira au Maroc;
- la 2ème qui vient d’arriver du Maroc dans le cadre d’un stage en alternance qui parle et écrit merveilleusement bien le français.
Manger raconte une histoire. La cuisine est un moyen d’échanger et à travers les livres de recettes françaises la possibilité de transmettre la langue française. Ayant pris conscience qu’à travers la gastronomie, nous pouvions défendre la francophonie.,R. Ramos propose de créer une alliance française itinérante de la gastronomie avec des cours de cuisine et une bibliothèque dédiée. La langue française doit rester forte sur ses bases.
A travers les interventions entendue à l’Assemblée Nationale, il constate un appauvrissement de la langue et de la pensée par rapport aux discours antérieurs.
Il faut continuer à trouver des espaces par et pour la langue française. Il cite l’exemple qui a lieu une fois par mois dans le quartier de l’Argonne à Orléans d’une rencontre nommée : « ça débat dans le couscoussier ». Des jeunes femmes et des jeunes hommes viennent s’exprimer. On se nourrit de l’autre dans nos échanges. C’est cela qui fait la qualité de la langue française.
Richard Ramos député du Loiret et critique gastronomique a fait part de son vécu sur la Francophonie dans le cadre de son acitivit" de parlementaire.
Alain Denizet, Professeur d’histoire honoraire, chroniqueur et écrivain régional
Alain Denizet a exercé son métier de professeur d’histoire en France mais aussi en Ecosse, au Burkina Faso et au Niger. Il a pu ainsi constater comment notre langue s’enrichit d’expressions locales. Par exemple en Afrique de l’Ouest « Aller au maquis » signifie aller au bar- restaurant du coin ou encore « Aller au garage » signifie être licencié.
Il a été l’étudiant du professeur Alain Corbin, à l’université de Tours, qui lui a donné le goût pour l’histoire des sensibilités et des émotions et de l’anthropologie historique. A l’image du « Monde retrouvé de Louis-Francois Pinagot : sur les traces d’un inconnu (1798-1876) » d’Alain Corbin, il se lance à retrouver l’histoire inconnue de l’arrière-grand-père de son grand-père dont il ne connaissait rien, ni ses prénoms ni son métier mais seulement son village de naissance. Ce sera son premier livre « Au cœur de la Beauce. Enquête sur un paysan sans histoire. Le monde d’Aubin Denizet 1798-1854 ».
Ayant eu accès à l’almanach « Messager de la Beauce et du Perche » édité de 1850 à 1914 et illustré par Auguste Hoyau, il y retrouve les comédies villageoises aux dialogues truculents entre la mère Crédule et le père Berlingot. Cette littérature populaire est un pan de notre patrimoine et un témoignage sur la vie d’autrefois. Il y retrouve le patois et des ressentis comme cette description de leur visite à l’exposition universelle de Paris en 1889 (Le messager de la Beauce et du Perche. Histoire de l’almanach présenté par Alain Denizet, 2020).
Avec ces divers témoignages Alain Denizet nous a ramené dans la petite histoire, qui comme chacun sait contribue à la Grande
Puis Alain Denizet a rappelé combien en tant qu'historien de la Beauce il avait plaisir à utiliser notre langue commune pour partager ses recherches dans nos archives communes ou privées.
A la suite de la table ronde lla parole a été à la salle
Jean Pierre Durand président de la Communauté de Communes des Terres du Val de loire et David Jacquet maire d'Artenay représentant le président de la région Centre Val de Loire ont chacun apporté leur témoignage pour que l'usage du Français mérite d'être soutenu et développé.