Rechercher un article, un évennement, un acteur à l'aide de mots clé    

Charsonville : Histoires des gardes champêtres au 19 ème siècle

Auteur : Patrick  Créé le : 20/07/2024 12:31
Exporter l'article au format pdf

Préambule

Les gardes champêtres communaux ont été institués en 1791 pour rechercher et constater les délits commis contre les propriétés rurales. Il devait y avoir au moins un garde champêtre dans toutes les communes de France au 19ème siècle.

Il devait avoir au moins 25 ans, être de « bonne vie et moeurs » et savoir lire et écrire.

En 1958, le garde champêtre n’est plus obligatoire dans les communes rurales. A son départ en retraite, il ne sera pas remplacé. La fonction cependant existe toujours aujourd’hui.

L’objet de ce document est de reprendre le nom des 8 gardes champêtres qui ont exercé à Charsonville durant le 19ème siècle.

 

Une mauvaise réputation

Durant tout le 19ème siècle, le garde champêtre avait mauvaise réputation, comme le prouve les différents rapports des préfets sur le dysfonctionnement de la police rurale et les grands romans de ce siècle.

D’abord dans la première moitié du 19 ème siècle, Balzac utilise la figure du garde délinquant dans son roman « Les Paysans ». Il en fait un instrument de la communauté villageoise attaquée par des propriétaires hostiles aux droits d'usage. Sous sa plume, le garde, qui doit servir l'État, devient l'auxiliaire de délinquants et de petits notables ruraux attachés au pouvoir municipal. En outre, sa moralité paraît douteuse.

De plus, des crises pouvaient apparaître au début du 19 ème siècle, entre les villageois, à travers l’affrontement entre des normes héritées de l'Ancien Régime (les Coutumes) et une conception individualiste de la propriété (la Loi de la Révolution). En résumé, deux familles de références s'affrontaient, la Coutume et la Loi. L'une est défendue comme immémoriale et inhérente à l'organisation de la communauté du village, et l'autre est reconnue comme seule valable par les représentants de l'État et certains exploitants qui sont devenus, grâce à la Révolution, propriétaires de terres.

On peut ajouter que les gardes champêtres étaient souvent originaires de la commune qu'ils servaient ou y vivaient depuis de longues années. Il convenait, en effet, de connaître chaque exploitant, chaque habitant et propriété pour assurer une surveillance efficace.

Le garde champêtre, issu du village où il exerçait ses fonctions, était tiraillé et pris comme arbitre entre le respect de la Coutume et le respect de la Loi pour la gestion des terres et du quotidien.

Puis, plus tard, à la fin du 19 ème siècle, Zola emploie à nouveau ce type d'image dans son roman : « La Terre » ; « Le garde champêtre……très ivre déjà….

Quelques arguments sont systématiquement repris pour expliquer les défaillances observées. La question du traitement des gardes champêtres est posée depuis la Révolution. En effet il ne faut pas imaginer «que des hommes, qui ne retirent de l'exercice des fonctions qui demandent une vigilance toujours active, qu'un salaire trop modique pour pouvoir subsister sans autre ressource, donneront tout leur temps à ces mêmes fonctions». De tous les départements, des plaintes font savoir dès cette époque que les communes sont dans l'incapacité à assurer un traitement convenable aux gardes champêtres.

 

Liste des gardes champêtres à Charsonville

 

Le nom du premier garde champêtre à Charsonville, nommé vers 1791, est très certainement M Honoré Bourgine (originaire d’Ouzouer Le Marché). Il s’était marié en 1778 avec Jeanne Chardon.

 

Il est possible que Gentien Thauvin, journalier, a été nommé, à l’âge de 32 ans, par le maire et les conseillers municipaux, garde champêtre après le décès de Honoré Bourgine en 1806. Gentien Thauvin était marié avec Augustine Grillon (à la mairie en 1813 et chez lui en mars 1821). Après le décès de sa femme, il épousa Marie Thérèse Mégret en Août 1821. Il restera garde champêtre jusqu’en 1840 environ. Il avait atteint 66 ans.

Son traitement, en 1808, était de 189 francs payés par les habitants imposables du village. Ce montant représentait un peu plus de 5/1000 du revenu net imposable. Les plus importants revenus à Charsonville en 1808 provenaient des familles Tassin de Lorges et Tassin de Villeray. Il recevait également des gratifications lorsqu’il arrêtait des déserteurs, des forçats évadés ou lorsqu’il constatait des délits de grande voirie, de chasse….

Gentien Thauvin était un vrai beauceron, attaché à son village natal et à son église. Et tout naturellement il avait participé à la cérémonie de la refonte de la cloche fêlée de l’église de Charsonville en 1809 et à sa mise en place au sommet de la tour du clocher par la société Collin et Rozier, fondeurs de cloches associés, demeurant à Orléans chez Maître Chaudeau rue de Bourgogne.

Beaucoup plus tard, en 1824, il avait, sur la place du marché, le long du mur d’enceinte du vieux cimetière, au son de son tambour, après la messe du dimanche qui rassemblait une très grande partie de la population de la commune, annoncé les travaux de démolition de la tour du clocher qui commenceraient le mardi 3 août 1824. Il continua à lire le texte du maire (Toussaint Breton) qui précisait que les travaux de reconstruction de la tour démarreraient le jeudi 19 août 1824 et qu’on ajouterait une nouvelle flèche au sommet du clocher.

Il y avait déjà quatre ans qu’il était devenu garde champêtre quand par un après midi, il avait aperçu, vers l’Est, un fabuleux météore qui traversait le ciel de Charsonville. Son explosion, au dessus de la commune, avait libéré trois météorites qui s’étaient enfouies dans le sol entre la ferme de Mortelle, celle de Villeray et le lieu dit « le Moulin-Brulé ».

 

Jean Jacques Gasnier travaillait chez lui comme tisserand. Il exerçait son activité dans l’espace où lui et sa famille mangeaient et dormaient. Il avait installé une machine à tisser dans l’unique pièce à vivre. Or, son fils grandissait et avait pris maintenant sa place sur le métier.

C’est pourquoi, vers 50ans, il avait pris la décision de devenir garde champêtre. Il fut le premier garde champêtre à être nommé uniquement par le maire (loi de 1837). Il fut agréé et commissionné par la préfecture du Loiret et prêtera serment entre 1840 et 1846. Il exerça jusqu’à l’âge d’environ 65 ans. Il abandonna vers 1840 le bicorne au profit du képi.

Chaque jour, il arpentait le territoire de la commune. Du bourg au hameau de Villemain, Ourcis, Chevenelle, Vilaine, Villorceau, il marchait toute la journée, été comme hiver.

Le soir, fatigué, Jean Jacques Gasnier sortait de la mairie de Charsonville puis empruntait le chemin de la Garenne en direction de Vilaine ou il demeurait.

Comme chaque soir, à la veillée, chez lui, devant sa femme et son fils, il sortait le livre acheté par la mairie « nouveau manuel des gardes champêtres ». Il le lisait à haute voix, d’une voix d’écolier. Ce soir là, il en était au délit de glanage : « Les glaneurs, dans les lieux ou les usages de glaner sont reçus, ne peuvent entrer dans les champs qu’après l’enlèvement entier des fruits. Ils ne peuvent, non plus, y entrer avant le lever ni après le coucher du soleil, à peine de confiscation des produits, d’une amende de 1 à 5 francs, et d’un à trois jours d’emprisonnement. Loi du 6 octobre 1791 ».

Sa femme, Marie Jeanne Cornuau, l’écoutait, étonnée de ce qu’il lisait sans faute.

En refermant son livre, il songeait aux 35000 autres gardes champêtres, en France, qui lisaient comme lui, un manuel semblable, écrit par leurs préfectures et qui synthétisait les obligations du service de Garde Champêtre afin de réaliser un travail correct et devant la méconnaissance du droit des nouveaux gardes champêtres.

 

Vers 1856, Joseph Malfray, marié à Marie Boucheron en 1840, sera nommé à son tour garde champêtre à l’âge de 43 ans. Il était alors sabotier, comme son père. Il habitait le bourg. Il exerça sa fonction durant 20 ans jusqu’à l’age avancé de 63 ans.

Une anecdote concernant Malfray est rapportée dans le journal de juillet 1856. La voici :

« Le garde champêtre de la commune de Charsonville est un brave homme qui cumule ses fonctions avec celles de sonneur à l’église et de fossoyeur. Il ne faut pas moins de ces trois fonctions pour faire vivre le garde Malfray, car la commune ne lui donne que 180 fr (par an) pour surveiller les terres et les individus du pays. Malgré cette modique indemnité, certains habitants se montrent fort exigeants vis-à-vis de Malfray. Ils prétendent que lorsqu’il sonne à l’église ou qu’il enterre ses compatriotes, il ne peut pas surveiller notamment les braconniers. Ces observations auraient, à ce qu’il parait, été produites au sein du conseil municipal, et M le Maire de Charsonville aurait eu à combattre une proposition de réduction du traitement de Malfray…….

Après ces critiques, Malfray, se multipliant, sonna les cloches avec une rapidité de locomotive et garda les champs avec l’agilité d’un chevreuil. Un matin, dès l’aube, il aperçut un individu qui se glissait parmi les récoltes et semblait attendre quelque chose. Malfray s’approche, observe et prend en flagrant délit de chasse M X, membre du conseil municipal, un de ceux qui voulaient rogner le traitement du protecteur des champs. M X chassait aux cailles avec des filets prohibés en temps prohibé. C’était complet, et Malfray pouvait rire à son tour. Mais, ce n’était pas tout ; Malfray avait un devoir à remplir et il n’y manqua pas en dressant procès verbal. »

En 1870, Malfray avec le curé Cribier avaient assisté, impuissants, à la mise à feu, par les prussiens, des deux grandes portes en bois de l’ancien cimetière.

Dans l’exercice de ses fonctions comme tous les gardes champêtres au 19 ème siècle, il portait sur le bras une plaque de métal ou d’étoffe ou étaient inscrits ces mots : « LA LOI », le nom de la commune et son nom.

 

Joseph Crié, marié avec Mélina Meunier. Il exerça vers 1881, âgé alors de 53 ans, le métier de garde champêtre.

Il fut remplacé par Jean Louis Boucheron, qui était déjà rentier, avant d’exercer à l’âge de 65 ans la profession de garde champêtre, vers 1886. Il était marié avec Froisie Honorine Rabier depuis 1844.

 

Albert Paul Thauvin était domestique avant d’exercer la profession de garde champêtre vers 1891, à l’âge de 37 ans et durant environ 5 ans. Il était marié avec Elvire Venot.

Cheveux châtain clair, yeux gris, visage ovale, il avait effectué son service militaire au 2ème régiment d’infanterie de marine en 1875. Entré comme 2ème classe il était sorti en 1879 comme sergent. Cette réussite, dans l’Armée, le prédisposait à devenir garde champêtre. En effet, il devait se mettre entièrement à la disposition du maire ou de son adjoint pour l’assister dans toutes les opérations qu’il avait le droit de faire, telles que visites domiciliaires et perquisitions, dispersion de rassemblements, exécution des règlements concernant la fermeture des cabarets…Il devait exécuter les ordres du maire.

 

Adrien Beaujouan fut journalier avant de devenir garde champêtre vers 1896 environ jusqu’au environ de 1910. Il habitait avec toute sa famille le hameau d’Ourcis et plus précisément une maison à La Lorinière. Sa femme s’appelait Onésime Coutenceau (née à Prénouvellon) et ils avaient 3 enfants à cette époque, dont deux adultes sans profession.

Il partait, de chez lui, tôt, tous les matins, coiffé de son képi et portant fièrement son sabre briquet à sa ceinture, sur le côté, comme tous ses collègues durant le 19 ème siècle. Il se dirigeait vers la nouvelle mairie du bourg de Charsonville (1852), en direction du moulin de la Vendrée dont il apercevait au loin les ailes. Comme chaque matin, il faisait son rapport verbal au maire sur tous les faits qu’il avait découverts dans la journée précédente et prenait ses éventuelles consignes. 7h avait sonné. Il pressa le pas. Il filait le long de la nouvelle route, empierrée depuis 1870 et qui remplaçait l’ancien chemin de terre qu’il avait connu enfant pour aller à l’école quand celui-ci était praticable.

Il participa aux translations des sépultures de l’ancien cimetière qui débutèrent en 1898 et se poursuivront en 1899, 1900 et 1901, vers le cimetière actuel.

Il devint rentier vers 1910 à l’âge de 67 ans.

 

 

 

 

Sources :

  • Archives Départementales du Loiret
  • Loiret Généalogique
  • Nouveau manuel des gardes champêtres par J Dubarry - 4 ème édition - 1857
  • Gallica