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Coulmiers libéré, le 15 août 1944

Auteur : Poulot  Créé le : 18/08/2024 13:56
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Comme beaucoup d'autres communes du Loiret qui "fêtent" le quatre vingtième anniversaire de leur libération en août 1944, Coulmiers marquera cet évènement les 7 et 8 septembre 2024 en proposant une exposition, préparée par notre vice président Gérard Lemaître maire honoraire de cette commune.

En avant première il nous a confié le récit suivant qui rappelle le contexte de l'époque et le chronogramme de cette journée.

 

Il y a quatre vingt ans, en ce début d’après-midi du mardi 15 août 1944, le temps est lourd, l’orage menace. C’est aussi jour de fête religieuse, et nombreux sont les habitants de l’Ouest Orléanais qui, par une chaleur intense, sortent dans les rues, cherchant l’ombre, et attendent. Tout le monde sait… ils ne sont pas loin… ils arrivent. Les nouvelles vont vite (vraies ou fausses). Depuis quelques semaines, les habitants de notre région se sont habitués au reflux des troupes ennemies sur la route du Mans où circulent de nombreuses ambulances allemandes, signe des durs combats de Normandie. Les miliciens de Darnand, en fuite, prendront même possession de l’école de COULMIERS pour y passer la nuit, cassant la croûte sur nos pupitres d’écoliers.

Les avions anglo-américains préparent la Libération de multiples façons, avec parachutages d’armes, lâchages de tracts destinées à la population et à l’occupant, lâchages également de bandelettes d’aluminium pour brouiller les ondes hertziennes de repérage nazis.

Depuis quelques semaines, nous regardions, quand nous le pouvions, le passage des avions anglo-américains, brillant dans le ciel, avec des soutes pleines de bombes. Lors des alertes aériennes, ou tout simplement du passage en haute altitude de bombardiers alliés, nous allions chercher une protection dans les bois environnants, dans les fossés, ou la cour de l’école où nous avions nos deux tranchées… Certains enfants avaient la peur au ventre, d’autres profitaient de l’aubaine les petits disant que les grands embrassaient les filles dans la pénombre ? Pas de cours pendant le ronronnement des forteresses ou superforteresses volantes.

Nous avons en mémoire le grondement des escadres de bombardiers volant à plusieurs milliers de mètres d’altitude apparaissant avec sa multitude de points brillants aux traînés blanches parallèles. Les formations se suivant toutes à intervalles réguliers, volant en formation triangulaire, les forteresses paraissant se tenir presque aile à aile.

Chez nous, pas de bombardements : seul un avion allié en difficulté a largué 5 bombes, pour conserver son autonomie de vol. Par contre, des réservoirs auxiliaires à carburant sont tombés sur le territoire des Communes de la Région.

Tout au long des mois précédant la Libération, les alertes et les passages des « forteresses volantes » se sont succèdes. De COULMIERS, on pouvait entendre les bruits dus au largage des bombes sur BRICY, ORLEANS, FLEURY, MEUNG ET BEAUGENCY.

Les bombardements ont facilité l’avance de la 3ème armée U.S. du Général Georges PATTON, qui comprenait quatre Corps d’Armée. Après la dure percée d’AVRANCHES et de SAINT-LO, PATTON lâchait son 12ème Corps pour foncer en direction de la Loire… et libérer notre Région.

Dans le plan « TRANSFIGURE » c’est l’adjoint du Général PATTON, le Brigadier Général EDMUND SEBREE, qui est chargé de la délivrance des Pays de Loire.

En cet après-midi de chaleur torride, nous les attendons. Les F.F.I. de SAINT –JEAN-DE-LA-RUELLE se chargent d’éclairer l’avant-garde U.S sur le dispositif allemand de défense de la ville d’ORLEANS et de ses abords.

C’est pour aujourd’hui, mardi 15 août 1944. En effet, certains ont l’ouïe fine et effectivement un avion de reconnaissance U.S. tourne au dessus d’une partie de COULMIERS, cherchant un champ pour atterrir dans de bonnes conditions. Il trouve ce terrain de fortune au nord du Parc de la route du MANS, à quelques centaines de mètres du Monument de l’Armée de la Loire. C’est le PIPER-CUB de la liberté.

Cette fois, nous sommes renseignés. Ils arrivent du MANS, via SAINT-CALAIS. C’est doublement jour de fête pour tous. Quant aux enfants, ils collent leurs oreilles sur le macadam de la grande route où les vibrations sont de plus en plus accentuées. Puis chacun donne son avis : ils sont à BINAS ? Non, à OUZOUER ? Plutôt à CHARSONVILLE ?

Une avant-garde blindée U.S. a fait un court arrêt à OUZOUER-LE-MARCHE, où les gendarmes locaux renseignent les Américains sur le dispositif de défense d’ORLEANS. Au loin, le ronronnement et le cliquetis des engins chenillés devient perceptible… C’est bien eux… et la joie, contenue jusqu’ici explose.

Brutalement, le bruit des chenilles n’est plus perceptible à l’oreille. Que se passe-t-il ? Eh bien, c’est un nouvel arrêt à CHARSONVILLE où les habitants renseignent les Américains sur l’existence de deux câbles de communication à grande distance, enterrés sur le côté nord de la route du Mans. Ce réseau, dont les travaux furent achevés en 1942 par l’organisation T.O.D.T., relie ORLEANS au MANS et à TOURS.

Après la coupure de ces câbles à CHARSONVILLE, le bruit des chenilles reprend très vite et va, bien entendu, en s’intensifiant. La marée des engins U.S. roule bien dans notre direction, en poussant devant elle des ondes de choc ressemblant à un tremblement de terre. L’armada terrestre américaine arrive. Enfin, nous apercevons l’avant-garde libératrice. Le bruit des chenilles est devenu infernal, avec l’arrivée d’un premier détachement allié, se composant de chars type M4 « SHERMANN » d’un groupe tactique et de troupes du KANSAS NATIONA GUARD de WICHITA sous le commandement du Brigadier Général SEBREE.

Un peu avant 16 heures, l’Avant-garde alliée fait sa jonction avec les F.F.I. de SAINT-JEAN-DE-LA-RUELLE, en attente dans le secteur de ROZIERES, BAGATELLE, MONTPIPEAU.

En face de l’école de COULMIERS, une jeep et une automitrailleuse se sont arrêtées. Les gamins encerclent bientôt les Américains qui leur apprennent à faire le V de la Victoire avec les mains. Les Américains distribuent quelques cigarettes aux adultes, et pour nous les enfants des barres de chocolat, des bonbons et des chewing-gums (le premier chewing-gum je l’ai avalé).

L’équipement des GI’S suscite l’étonnement : d’abord les casques avec un filet de camouflage, les sacs à dos dit d’assaut avec baïonnette et pelle, les guêtres et les brodequins avec semelle de caoutchouc.

Pendant ce temps, l’orage est arrivé, les bruits de tonnerre alternent avec les canonnades. La pluie tombe lorsque vers 18h30, une formidable explosion se fait entendre du côté de GEMIGNY. On pouvait apercevoir un immense champignon de fumée au dessus des bois. Les Allemands ont fait sauter les missiles anti navires HENSCHEL HS 293 (et non des V1) des caissons d’explosifs et de pièces détachées entreposés à MALMUSSE commune de GEMIGNY, d’ailleurs quelques vitraux de l’église de COULMIERS ont souffert des explosions.

Une vague ininterrompue de véhicules et matériel militaire U.S. afflue autour du bourg de COULMIERS en vue de l’attaque d’ORLEANS, pour le lendemain. La pluie tombe à seaux, qu’importe ! Les habitants sont dehors, confondant le roulement du tonnerre et les canons U.S.

La pluie a cessé, et les chenilles sont immobilisées. Le calme est revenu. La plaine située autour de COULMIERS est envahie par des véhicules militaires de toute sorte. Les GI’s ont monté les tentes pour la nuit.

 

Le lendemain, soit le 16 août nous ramassions des « jerricans » qu’il faudra rendre en mairie, mais aussi des engins incendiaires de toutes sortes, malgré la mise en garde des parents.