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Le Drame de Malmusse-Gémigny: 30 juin 1944

Auteur : gaston  Créé le : 20/07/2024 14:32
Modifié le : 04/08/2024 21:34
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Le 30 juin 2024 marquait le 80ème triste anniversaire du drame qui s'est déroulé le 30 juin 1944, dans les bois de la commune de Gémigny, au lieudit Malmusse.

loirebeauce-encyclopedia.fr reproduit ci dessous le récit de cet évènement qu'en fit le 30 juiin 2014, notre ami et historien local, Gérard LEMAÎTRE, maire honoraire de Coulmiers Vice président de Racines du Pays LoireBeauce, que nous remercions pour ses contributions au devoir de mémoire qui doit animer chacune et chacun d'entre nous 

Gérard LEMAÏTRE retrace la vie des frères GRUÏN dans le contexte de la seconde guerre mondiale

Rappel historique

 

Dès le mois de Janvier 1942, les nazis ont décidé de mettre en route la solution finale, c'est à dire l'extermination des juifs de l'Europe occupée.

 

En Avril 1942, Pierre Laval redevenu premier ministre, sous l'autorité du chef de l'état: le Maréchal Philippe Pétain, conduit sa politique antisémite, et donne son accord pour la rafle matinale des 16 et 17 Juillet 1942, et l'enfermement provisoire au vélodrome d'hiver: "LE VEL' D'HIV", puis la répartition dans les camps de Beaune la Rolande , Pithiviers, Drancy, hélas antichambre des camps de la mort, avant le départ par les lents convois de wagons à bestiaux à travers l'Allemagne, vers la Pologne essentiellement.

 

C'est donc le 16 Juillet à l'aube, que la police française a entrepris sa sale besogne, obéissant ainsi aux ordres supérieurs ; le régime de Vichy est donc complice. Pour le départ vers l'enfer le magnifique film "La Rafle" nous montre la séparation inhumaine des familles. L'exactitude des scènes déchirantes de la séparation des couples, puis des mamans arrachées à leurs enfants, ses enfants pleurants, criants, appelant pour la dernière fois leurs mamans, qu'ils ne verront plus jamais.

 

La suite nous la devinons : le triage, soit la sélection pour l'esclavage, et la production du Reich, ou les chambres à gaz pour les non productifs, soit les enfants, soit les vieillards, les infirmes, les malades.

 

Tous brutalisés à coups de Shlague par les SS et les morsures de leurs chiens- loups, spécialement dressés.

 

La famille Gruïn

 

Les membres de la famille GRUÏN, de confession juive, étant artisan tailleur au 9 rue des Feutriers dans le 18e arrondissement à Paris. Seront arrêtés : Franky GRUÏN, le père, Mina GRUÏN née Schsser, la mère, et Annette GRUÏN leur fille âgée de 14 ans, pour être parqués au Vel d'Hiv avant d'être transféré sur le camp de Pithiviers.

 

Selon les recherches de Serge Klarsfeld :

 

Le vendredi 31 juillet 1942, les parents GRUÏN partiront de la gare de Pithiviers, dans le convoi n°13 de 1049 déportés, dont la destination est le camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau en Pologne, convoi arrivant le 2 Août 1942.

Seront sélectionnés pour le camp de destination 693 hommes et 359 femmes. De ce convoi, il n'y aura que 13 rescapés. Nous n'en savons malheureusement pas plus sur leurs disparitions. Peut être ont-ils été sélectionnés pour les mines de sel de Auschwitz-Brieg, nous n'avons pas de réponse.

 

La fille Annette GRUÏN partira de Pithiviers pour Drancy, le lundi 17 Aout 1942 puis le départ de la gare du Bourget-Drancy par le convoi n°20 avec 1000 déportés arrivant à Auschwitz-Birkenau, le surlendemain, soit le mercredi 19 Aout 1942, ou elle fut probablement gazée à son arrivée, comme tous les enfants de ce convoi.

Dans ce convoi de 1000 déportés, 878 seront gazés à l'arrivée, il n'y aura que 3 survivants.

Ce que nous savons des deux fils Aron dit Henry et Serge GRUÏN, nous le devons en partie à Monsieur Guy Ferenbach, malheureusement paroles non confirmées puisque notre ami Guy est décédé depuis le 12 mars 2005.

 

D'après lui, Aron dit Henri, 18 ans en 1942, et son frère Serge, 15 ans ont été enfermés quelques temps dans la tristement célèbre prison de Fresnes, que les Allemands avaient transformés en camps de détenus politiques.

De cette prison, en fin d'année 1942, les deux frères s'échapperont, soi-disant avec l'aide d'un réseau de résistance, dont nous ignorons le nom.

L'emprisonnement d’Henri est tout à fait plausible, celui de Serge semble plus aléatoire.

 

Ainsi Henri GRUÏN est à Malmusse, mais ne s’est pas évadé du camp d'internement de Pithiviers, comme l'indique par une grossière erreur, un rapport provenant du Délégué Régional Adjoint du Service de Recherche des Crimes de Guerres. Rapport se basant sur des "après entendre dire". Les deux fils GRUÏN n'ont jamais été à Pithiviers.

 

Revenons à Henri GRUÏN qui après s'être caché chez une amie et après indication d'un ami de Monsieur Paul Guittet est donc venu se réfugier à Malmusse, le Jeudi 22 Juin 1944. Très peu de personnes sont dans la confidence, à part la famille Guittet-Ferenbach, le garde forestier : Monsieur Alfred Fagnou et son épouse Madeleine, Monsieur Pierre Renard et son épouse Hélène, cultivateur à Malmusse, ainsi qu'un camarade de la résistance de Guy Ferenbach, Jean Noel Capitant De Villebonne de Coulmiers, et sans doute Mademoiselle Marcelle Lesourd et Monsieur Maurice Beaufils.

 

Quand au cadet des frères GRUÏN, Serge, nous en savons un peu plus.

Il est entré à l'école du travail située 4bis rue des Rosiers, dans le 4e arrondissement à Paris.Le 9 septembre 1943, selon le registre des inscriptions de cette école, ayant le numéro 1770 matricule 87 Serge devenant l'apprenti fourreur. Le jeudi 22 Juin 1944, le directeur du centre, Georges Lewitz et son épouse Itta sont arrêtés.

 

Le Mardi 27 Juin au matin, c'est au tour des élèves encore présent d'être arrêtés, les autres élèves ayant été dispersés. C'est donc huit élèves âgés de 16 à 17 ans qui sont conduits au commissariat de quartier situé, rue vieille au temple.

C'est là, que Serge, et l'un de ses camarades s'évaderont en passant par une petite lucarne (d'après le témoignage du camarade de Serge arrêté et déporté, mais revenu d'Auschwitz) Une question est posée ? Les deux adolescents ont-ils bénéficié de la complicité des agents de police du commissariat ? Ou bien les policiers ont fermé les yeux sur cette évasion ? Nous n'avons pas la réponse.

Les élèves pris, étant déportés le Vendredi 30 juin avec Georges et Itta Lewitz, par le convoi numéro 76 Drancy-Auschwitz. Le Mercredi 28 Juin, la Gestapo retrouve la trace de Serge, il est filé, donc sous surveillance.

 

Le Jeudi 29 Juin, Serge, prend le car pour Orléans, sachant qu'il n'y a pas de surveillance policière, comme dans la Gare d'Austerlitz et celle d'Orléans. Arrivé en soirée devant la Gare d'Orléans, Serge n'a aucun moyen de locomotion pour rejoindre Gémigny et son frère Henri. Serge est un peu perdu, lorsque le voyant seul, un jeune homme l'aborde et engage la conversation avec lui, déclarant qu'il est réfractaire au S.T.O (Service du Travail Obligatoire), qu'il n'aime pas les Allemands, alors qu'en réalité il travaille pour eux, étant devant la gare pour accueillir Serge, pisté depuis la veille. Le jeune homme propose d'héberger Serge pour la nuit, comment ne pas accepté une offre si généreuse. En réalité, ce jeune homme de 19 ans Jean Gressy est l'agent 491 de la Gestapo en tant qu'auxiliaire Français au siège de la milice située rue des Anglaises à Orléans.

Eric GUISET président du Comité du Souvenirs français de Patay entouré des seize portes drapeaux des communes avoisinantes et des pompiers a rappelé l'obligation mémoriel que tout citoyen doit avoir, face à de tels assassinats

A la Gestapo d’Orléans

 

Suivant un scénario bien monté, au matin du Vendredi 30 Juin, un autre membre de la Hilspolizei se représente chez Jean Gressy pour arrêter Serge, il s'agit de Samuel Hacquet 18 ans, ex ouvrier électricien de Fleury les Aubrais. Son patron lui même l'a fait adhérer aux jeunesses Francistes au début de l'année 1943, puis Samuel Hacquet est mobilisé dans la Hislpolzei le 26 Juin 1944, soit quatre jours avant l'assassinat des frères GRUÏN.

Serge est arrêté par Jean Gressy et Samuel Hacquet qui l'emmène au siège de la Gestapo, Boulevard Alexandre Martin à Orléans.

A la Gestapo, séjournent des officiers Allemands connus pour leurs brutalités, notamment son chef Mersch, le sous-chef Wolbrandt, Wilhem Flint dit William, Holtley, Willy Wagner etc...

Serge GRUÏN subit un bref interrogatoire, malmené et brutalisé par Willy Wagner, spécialiste allemand de la lutte contre le maquis, et dirigeant le service "Action". Sous les coups, Serge, fut obligé de révéler que son frère se cachait dans une ferme de l'ouest Orléanais, puis sous la violence, il parla de Gémigny, puis de Malmusse, c'est ce que voulait les tortionnaires de la Gestapo. Petite parenthèse, sur la violence à la fois de la Police Auxiliaire Française et de la Gestapo Allemande, c'est que le mercredi 28 Juin a eu lieu l'assassinat du secrétaire de l'Etat à l'information : Philippe Henriot ex-milicien et l'homme de la propagande pro-allemande.

Mais revenons à Serge.

 

En route pour Gémigny

 

Une traction Citroën noire quitte alors le siège de la Gestapo, avec à l'avant, le chauffeur et Willy Wagner portant son revolver à la ceinture, à l'arrière de la voiture Serge est encadré par les traites Français Jean Gressy et Samuel Hacquet armés chacun d'une mitraillette.

Vers 10h15, la traction stoppe à proximité de Malmusse, deux hommes sont descendus de la voiture, l'un armé d'une mitraillette, il s'agit de Jean Gressy, l'autre étant le gestapiste Willy Wagner.

 

Le garde de chasse de la propriété, Monsieur Gustave Alfred Fagnou est interrogé sur la présence d’Henri GRUÏN, il répond négativement, mais Serge descendu de la traction déclare que son frère était chez Monsieur Guy Ferenbach, beau fils de Monsieur Guittet. En entendant son frère Serge, Henri est sorti de sa chambre et demande d'embrasser son frère et à changer de vêtements. Conduit dans sa chambre, Henri est battu à coup de poings. Puis nos prisonniers repartent en voiture avec leurs futurs bourreaux s'arrêtant à 500 mètres plus loin, à l'intersection de la route et d'un chemin forestier dénommé l'allée de la butte aux renards.

 

Les deux frères GRUÏN sont invités à descendre, Willy Wagner disant "Vous êtes libres... Sauvez Vous..." Ayant fait une dizaine de pas, les trois mitraillettes les abattaient lâchement, et c'est le chauffeur qui donnait le coup de grâce avec son revolver.

En ce début d'après midi, vers 14 heures le garde M. Alfred Gustave Fagnou se rend dans la direction d'ou provenait la fusillade, et découvre les deux corps.

 

Revenant à Malmusse, Alfred se rend au château pour rendre compte de sa triste découverte à un capitaine allemand. Ce capitaine accompagné de quatre soldats allemands et de Monsieur Fagnou se rendent sur le lieu du crime, l'officier allemand accusant les malheureux frères GRUÏN de "terroristes"

 

Un policier auxiliaire et garde au château de Malmusse, Monsieur Georges Aussard, est chargé, contre son gré, d'aller prévenir le maire. Le maire de Gémigny, Monsieur Pierre Bruneau, doit faire enlever les corps et charge de cette sinistre besogne Monsieur Pierre Renard cultivateur à Malmusse, le garde Georges Ausard, Monsieur Thauvin et Monsieur Bristeau.

 

 

La croix de Lorraine érigée à l'endroit où les frères GRUÏN ont été assassinés           

 Les deux jeunes gens vont faire leurs derniers voyages, soit du lieu du supplice, au local servant de remise pour le matériel incendie, où ils seront mis en bière par le charron local ; Monsieur Maurice Richard et son frère Paul, puis enterrés dans l'ancien cimetière, le lendemain, soit le samedi 1er Juillet 1944. Pensons aux diverses responsabilités, aux divers risques ; le maire pris en tenaille entre les occupés et les occupants.

 

Le temps passé, et 70 années plus tard le souvenir à tendance à disparaitre, en raison de la paix enfin trouvée dans notre vieille Europe de l'ouest.

La mémoire s'estompe, si elle n'est sans cesse cultivée, par cette obligation morale qu'est l'héritage de cette mémoire, qu'il faut entretenir, et cela fait la grandeur de l'histoire.

Devant le sacrifice consenti à la patrie, nul ne peut échapper à l'étreinte de l'émotion.

La reconnaissance, le respect, et le recueillement, telle est la dette due à nos deux morts, dont la famille fut décimée.

La tombe des frères GRUÏN dans le cimetière de Gémigny

            Henri GRUÏN âgé de 20 ans et son frère Serge âgé de 17 ans, qui n'avaient pour les nazis qu'un défaut, celui d'avoir une ascendance juive, et pour nous Français, qu'une qualité c'elle d'aimer notre pays la France, et de résister à l'occupant.

Ils sont donc morts en héros, pour que nous n'oublions jamais, Pour que nous ne voyons plus jamais ça... et pour que VIVE LA FRANCE ET VIVE LA RÉPUBLIQUE