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Les moulins à vent d'autrefois sur la commune de Charsonville

Auteur : Patrick  Créé le : 14/03/2024 16:19
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Jusqu’à la fin du 19ème siècle, au même titre que le clocher, le moulin à vent identifiait la plupart des villages de Beauce.

L'odeur du buis, le son du glas,

Un temps de neige, un soir d'ivresse

M'attristent moins que la tristesse

Des moulins qui ne tournent pas !

Extrait de « Les moulins morts » de Gaston Couté.

 

Les 4 moulins à vent sur pivot, qui furent successivement construits sur la commune de Charsonville, étaient implantés autour du bourg (voir carte ci-dessous). Le premier moulin de « La grande Maison » (appelé aujourd’hui « le château ») fut certainement construit avant 1600. Puis un second moulin fut construit probablement dans la deuxième moitié du 17ème siècle. Ce qui conduira les habitants à les différencier. On appellera celui de la Grande Maison « le Grand Moulin » et l’autre « le Petit Moulin ». Ils étaient situés à l’Est de Charsonville.

Beaucoup plus tard (fin 18ème siècle), un autre fut construit à l’Ouest (moulin dit « Neuf » ou « de la Vendrée ») et un autre au nord (moulin dit « du Bourg »). Aujourd’hui ces moulins ont disparus. La seule trace que garde aujourd’hui la commune, de la présence d’un de ses moulins (le Petit moulin), est le nom donné à la route  qui dessert la Mairie, l’école et le cimetière, appelée la « route du moulin ».

 

Le Moulin Pivot

Comme le sol imprime l'habitat dans ses matériaux, il aurait dû marquer les moulins de Charsonville dans sa conception même. Mais, en Beauce, les moulins de pierre ont été très peu nombreux, malgré la possibilité évidente de trouver les matériaux nécessaires. Le moulin pivot en bois a fait la quasi-unanimité, peut-être pour des raisons d'ordre économique. La construction en bois était de conception plus rustique et plus simple techniquement que la construction en pierre.

D'une taille modeste, le moulin n'excédait pas 12 mètres de hauteur. Le peu d’obstacles au vent dans la plaine de Beauce explique sans doute la taille des moulins.

Tous les moulins à pivot avaient deux étages. Le premier, était l’étage de réception de la farine. Le second étage abritait les meules et le mécanisme.

Le moulin était entièrement construit en bois et reposait sur un socle de poutres triangulées, la croisée, posée sur quatre socles de pierre. Sur cette croisée était posée la cage en bois de quarante tonnes environ qui pouvait tourner sur un pivot vertical central taillé dans un tronc de chêne. La cage, qui abritait le mécanisme et les meules, était composée de planches verticales qui se recouvraient comme des ardoises.

Une queue latérale très longue, pour une manœuvre plus aisée qui portait l'escalier d'accès, permettait au meunier d'orienter le moulin face au vent en faisant pivoter la cage sur son axe (le bourdon).

Les ailes étaient habituellement longues de 6 mètres environ. Traditionnellement les ailes d’un moulin tournaient à gauche (en regardant de face), c’est-à-dire dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.

Les ailes des moulins, jusqu’au milieu du 19ème siècle, étaient tendues de toiles. Il fallut attendre la fin du 19ème siècle pour voir apparaître les ailes équipées d’un système à lames de bois. Ce système à lames de bois mobiles dit système Berton (du nom de son inventeur) permettait une meilleure efficacité et la possibilité pour le meunier de régler la prise au vent de l'intérieur du moulin.

 

 

Le grand moulin

Ce moulin appartenait aux différents seigneurs de Charsonville (…, Montmorency, De Croisilles, Martinet, Tassin).

 

Grâce au plan levé en 1670 il est possible de situer le Grand Moulin. Il était implanté à l’intersection de la route de Meung sur Loire et de l’ancien chemin allant de Charsonville à la ferme de Villeray.

En 1707, un meunier avait loué le moulin « tournant, moulant et faisant farine et étant en très bon état ». Certains outils appartenaient au moulin comme par exemple les masses pour « battre les meules ». Le « preneur » devait payer à la fin du bail une somme d’argent pour l’usure des meules. Pour exemple, la meule tournante (ou courante) du Grand moulin faisait 20cm d’épaisseur et la meule dormante faisait 30 cm d’épaisseur.

Le Grand moulin comprenait également une ferme et des terres. Le « preneur » du bail pouvait faire « sa demeure et résidence » pendant la durée du bail dans le logis dépendant du moulin et les « garnir de meubles et de bestiaux » comme il le souhaitait.

La ferme comprenait une maison d’une pièce avec four à pain et cheminée, plus un grenier au dessus, une écurie, une grange. Les toits étaient couverts de chaumes. Le preneur devait également cultiver 41 parcelles de terre représentant un total de 47 mines (13 hectares environ) en 3 saisons (saison de blé actuel, saison de mars actuel, saisons des guérets actuels) qui faisait parties du contrat global de location.

Le montant de la location était payable chaque année « le jour et fête de Toussaint ».

Le passage d’un ouragan dans la nuit du 14 au 15 mars 1751 détruira (« tombé et fracassé ») une grande partie du Grand Moulin. En effet, le curé d’Epieds, témoin de cet ouragan, signale, dans son registre paroissial qu’à une heure après minuit il y eut un ouragan qui a duré, dans la contrée d’Epieds, jusqu’à 7 heures du matin. Plusieurs moulins a vent furent renversés (dont le Grand Moulin de Charsonville). Jean Adrien Martinet, Seigneur de Charsonville, propriétaire du moulin à cette époque, le fit reconstruire rapidement (contrat du 25 mai 1751) et « refait à neuf » par les charpentiers Jacques Butin de Vilaine, Jacques Butin le Jeune de Villemain et Bonnaventure Bourgoin demeurant à Chevenelle. Le meunier s’appelait Jean Chardon et demeurait au Grand Moulin. Les travaux de reconstruction du Grand Moulin devaient être terminés pour le 20 juillet. Le montant des réparations s’élevait à 400 livres.

En 1758, Jean Adrien Martinet (Seigneur de Charsonville) signa un bail de 6 ou 9 années avec Jean Chardon (Meunier) pour l’utilisation (y compris certaines réparations) du Grand Moulin et la culture des 47 mines.

En 1779 a eu lieu une Prisée en présence des charpentiers Louis Cocher (d’Ouzouer Le marché) et de Jacques Baujouan (d’Oucques) à la demande de Charles François Tassin, seigneur de Charsonville.

Le Grand moulin disparut certainement dans un incendie à la fin du 18ème siècle. En effet, un climat, situé à l’emplacement du moulin, se nomme depuis le début du 19 ème siècle, « le moulin brûlé ».

 

 

Le petit Moulin

Le Petit Moulin n’appartenait pas au seigneur de Charsonville. Il était situé, non loin du bourg, près du chemin du bourg à la ferme de Mortelle.

 

Le 12 mars 1778 a eu lieu une Prisée du petit moulin au profit de Jean Péan (meunier) et Marin (son fils). La Prisée sera réalisée par 2 charpentiers : Louis Cocher et Louis Ougazeau charpentiers demeurant au bourg d’Ouzouer le Marché.

Pour exemple en 1806, la meule courante faisait 25cm d’épaisseur et la meule dormante faisait 27 cm d’épaisseur.

D’après les photos, le moulin devait mesurer environ 12m de hauteur.

Au début du 20ème siècle le Petit moulin appartenait à la famille Hiault et fut démoli après la guerre de 1945 car selon les « anciens de Charsonville » il « tournait » encore pendant la guerre et ils se souvenaient que Jean Hiault faisait l’impossible, malgrè son âge, et pendant l’occupation allemande, pour contenter ses derniers clients. Il semble donc que ce fut le dernier moulin en activité à Charsonville.

Photo prise vers 1930

 

 

 

Le Moulin neuf ou moulin de la Vendrée

Le « moulin neuf » apparaît dans un bail de 1779. 

Il appartenait en 1809 à François Chardon. Le propriétaire, vers 1900, était M Zéphyr-Désiré Brisset.

Le Moulin Neuf était situé sur la route de Charsonville à Ourcis en sortant de la Vendrée sur la droite face au chemin « vert ».

Ce moulin disparut probablement entre 1925 et 1930. Sa trace n’apparaît plus en 1947 sur la vue aérienne.

Un climat, situé sur la route d’Ourcis, se nomme «moulin neuf» ou «moulin de la Vendrée » (selon les planches du cadastre napoléonien).

 

Moulin du bourg

En 1809 le moulin du bourg appartenait à Toussaint Breton. Il était toujours visible sur la carte d’état major de l’armée vers 1860.

Le moulin du bourg était situé au nord de Charsonville à proximité du chemin actuel, dans le prolongement de l’axe du « château » (voir plan ci-dessous). Ce moulin a très certainement disparu au début du 20ème siècle car il n’apparaît plus sur la vue aérienne de 1947.


 

 

Sources

L’existence des 4 moulins de Charsonville est arrivée jusqu’à nous grâce à plusieurs archives :

  • Consultables aux archives départementales du Loiret.
    • Les actes des notaires
    • Les différents baux de location du Grand moulin.
    • La prisée de moulin qui correspondait à un état des lieux estimatif et se tenait à chaque fin de bail, soit par départ ou renouvellement du meunier en place, soit lors de la vente du moulin à un nouveau propriétaire. Elle était réalisée à la demande du propriétaire et en présence du meunier en titre. Il y avait souvent un ou plusieurs autres meuniers locaux et charpentiers qui apportaient leurs expertises pour valoriser le bien.
  • Consultables sur le site Internet des archives départementales du Loiret
    • Les actes des registres de la paroisse
    • Le plan cadastral napoléonien
    • La carte d’état major de 1860
    • La carte Cassini (voir ci-dessous)

 

  • Consultable au archives nationales de France
    • L’inventaire des moulins en activité en France de 1809 commandé par Napoléon 1er. Ainsi seront recensés en France 82300 moulins à eau et 15 857 moulins à vent. Dans le Loiret il existait 415 moulins à eau et 508 moulins à vent. Selon un document de Claude Rivals, produit en 1984, le nombre approximatif d’habitants pour un moulin était de 315 personnes pour le Loiret vers 1809. Cet inventaire signale l’existence de 3 moulins à Charsonville.
  • Archive privée
    • Les dessins des deux premiers moulins (Grand et Petit) qui apparaissent vers 1670, sur le plan de la paroisse de Charsonville